Elections professionnelles 2018 : branle-bas de combat dans la fonction publique

Publié le 06/12/2017 • Par Véronique Vigne-Lepage • dans : A la une, A la Une RH, France, Toute l’actu RH      

Nemo/Pixabay CC

La préparation des élections professionnelles du 6 décembre 2018 commence. Ministère, employeurs et organisations syndicales multiplient les rendez-vous pour fixer le cadre juridique. La campagne est ouverte.

 

 

 

 

Dans un an, le 6 décembre 2018 (1), les agents de la fonction publique éliront, pour la deuxième fois tous ensemble, leurs représentants dans les instances paritaires. « L’enjeu est majeur, assure Thierry Le Goff, directeur de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), car nous avons tout intérêt à avoir des partenaires syndicaux légitimes. » C’est aussi l’avis de Philippe Laurent, secrétaire général de l’Association des maires de France (AMF) : « Les collectivités qui traîneraient des pieds pour faciliter le scrutin auraient tort. Si l’on veut garder la main sur les ressources humaines, il faut s’en occuper. »

Représentativité syndicale mise en jeu

Quant aux organisations syndicales (OS), c’est leur représentativité qui est mise en jeu. « Les grands syndicats historiques sont assurés d’obtenir des sièges au Conseil commun de la fonction publique (CCFP) et au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), mais peut-être pas tous les autres, explique Denys Lamarzelle, universitaire et formateur. Ceux qui n’y sont pas représentés perdent indéniablement du poids. » Pascal Kessler, secrétaire général du syndicat FA-FPT, en a bien conscience : « C’est notre objectif principal, afin de participer efficacement aux négociations nationales. » Cette représentation au CCFP et au CSFPT donne aussi droit au remboursement de postes de permanents syndicaux et de frais de déplacement.

La préparation de ces élections commence par des interrogations : « Les fusions et les créations de collectivités auront forcément une incidence sur le nombre de comités techniques (CT) et de commissions administratives paritaires (CAP), et donc de listes à constituer, explique Claire Le Calonnec, secrétaire générale d’Interco-CFDT. Par exemple, on sait quelles collectivités ont dépassé le seuil de 350 agents, mais, parmi elles, pas celles qui choisissent de créer une CAP au lieu de rester au centre de gestion. »

Le nombre de représentants à élire dans chaque instance ne sera lui-même connu qu’à compter du 1er janvier 2018. « Les employeurs doivent faire une photo de leurs effectifs à cette date, explique Stéphane Brunot, sous-directeur chargé de la FPT à la direction générale des collectivités locales (DGCL), puis la communiquer vite aux OS. »

Pour la DGAFP, l’important « est aussi de stabiliser le cadre juridique le plus en amont possible, assure Thierry Le Goff, pour que les OS puissent constituer leurs listes ». Depuis le 5 septembre 2017, il les réunit donc toutes les six semaines, avec les associations d’employeurs (AMF, Régions de France…).

La DGCL a lancé, elle, le 28 novembre 2017, des réunions devant préciser des points propres à la FPT. Parmi les sujets abordés figure l’obligation, grande nouveauté, de parité sur les listes. Si aucun syndicat ne remet en cause le principe, tous sont conscients qu’il va parfois être difficile à respecter. « Cette obligation inquiète et enthousiasme à la fois, commente Florence Baco-Ambrass, DGS de Palaiseau et secrétaire générale nationale du Syndicat national des DG des collectivités. Avant de décider d’être candidates, les femmes se demandent si elles seront à la hauteur et auront suffisamment de disponibilité. »

Possibilité de listes communes

Il faut aussi trouver des candidats dans les trois catégories, du fait du vote par groupes hiérarchiques dans les CAP. « En catégorie C, nous avons du mal à trouver des candidats là où le dialogue social est tendu », constate Denis Turbet-Delof, secrétaire de Solidaires-FP. La suppression de ce principe, demandée par les syndicats depuis 2014, n’est pas encore prévue : « Il n’est pas possible de faire évoluer la législation d’ici décembre 2018 », assure Thierry Le Goff. Le Conseil d’Etat va étudier les aspects juridiques d’une éventuelle modification. « Mais attention, précise Stéphane Brunot à la DGCL, le gouvernement a réservé sa réponse sur le fond, car un principe demeure : on ne peut se prononcer sur une situation individuelle si l’on est d’un grade inférieur à celui de l’agent concerné. »

Les syndicats n’excluent pas la possibilité de listes communes, comme l’explique Baptiste Talbot, secrétaire général de la CGT Services publics. « Cela aura un impact sur le nombre de listes », confirme Sylvie Ménage, secrétaire générale de l’Unsa Territoriaux. Pour l’heure, chacun tente de susciter des vocations. L’inquiétude porte sur la participation, en recul de 1,8 point en 2014. La communication est donc à l’ordre du jour de réunions à la DGAFP et à la DGCL. Les OS structurent aussi la leur.

Les principaux thèmes de campagne sont la défense du statut, des conditions de travail et du pouvoir d’achat. Mais « on ne peut pas encore savoir si des sujets nationaux joueront aussi et conduiront les agents à vouloir des syndicats forts », prévient Claire Le Calonnec. Le report du protocole parcours professionnels, carrières et rémunérations a déjà tendu le débat. « On part sur un terrain polémique », estime Didier Bourgoin, secrétaire général de la FSU Territoriale. Denys Lamarzelle craint aussi que le « flou le plus complet » qui règne dans les collectivités vivant des regroupements conduise « à un rejet des OS traditionnelles et à l’arrivée d’un nouveau genre de syndicats, surfant sur des sujets nationaux et ayant des positions extrêmes ». Denis Turbet-Delof le dit autrement : « La prime sera aux syndicats qui se battent. »

Focus

Avis partagés sur le mode de scrutin

Le vote électronique sera proposé, « mais sans doctrine pour ou contre », assure Thierry Le Goff. Si certains de ses expérimentateurs sont enthousiastes, beaucoup restent réticents : « Nous avons déjà conduit des actions internes en faveur du numérique. Il faut une petite respiration, témoigne Arnaud Desbrosses, DG de Rillieux-la-Pape (Rhône). Je préfère réussir sur nos gros sujets de négociation, le temps de travail et le régime indemnitaire. »

Ce mode de scrutin ne remporte pas toujours les suffrages des syndicats. La CFDT ne fait « pas d’obstruction, assure Claire Le Calonnec, mais ce mode nécessite beaucoup d’explications et est intéressant dans les collectivités ayant un territoire vaste ». Baptiste Talbot (CGT) estime que « seul le vote à l’urne permet une forte participation ».

Focus

Instances

Les agents voteront pour les CT et CAP et les contractuels de plus de six mois, pour la première fois, pour des CCP. Les résultats détermineront la composition du Conseil commun de la fonction publique et du Conseil supérieur de la FPT.

Focus

Se préparer pour faire face à la lourdeur de l’organisation

Fabienne Dumas, chargée de mission « dialogue social »

[Côte-d’Or, 2 680 agents, 531 400 hab.] Le scrutin du 6 décembre 2018 sera la troisième expérience du genre pour Fabienne Dumas, chargée de mission « dialogue social » au conseil départemental de la Côte-d’Or : « Je connais la lourdeur de l’organisation. Cela se prépare. » Sensibilisée également par François Sauvadet, à la tête du groupe de la droite, du centre et des indépendants de l’Assemblée des départements de France, elle s’y est donc attelée dès cet automne. Un budget spécifique a été identifié dans celui des RH. « L’expérience nous permet de l’évaluer, assure-t-elle. Les trois scrutins supplémentaires liés à la CCP ne représentent pas des volumes très importants. » Dès le 7 décembre, une première réunion est prévue avec les OS. Au programme, le protocole électoral, qui devra être validé par l’assemblée.

« Nous décidons ensemble jusqu’à la couleur des bulletins de vote, le format des professions de foi, les volumes de reprographie… Il y a énormément de points pratico-pratiques à traiter. »

Contact : Fabienne Dumas, fabienne.dumas@cotedor.fr

Focus

Vers une généralisation du vote dématérialisé

vŽronique champagne

Véronique Champagne, DRH

[Communauté urbaine (CU) Grand Paris Seine et Oise 73 communes, 1 200 agents, 406 000 hab.] Née le 1er janvier 2016 de la fusion de six établissements publics de coopération intercommunale, la CU Grand Paris Seine et Oise, 800 agents à l’époque, a organisé des élections professionnelles en octobre de la même année. L’occasion d’expérimenter le vote électronique, « indispensable », selon Véronique Champagne, DRH : « Nos agents sont dans des établissements répartis dans 73 communes et ont des horaires de travail très variés. Par ailleurs, tant en logistique qu’en RH, nous n’avons pas les effectifs suffisants pour assurer un vote à l’urne partout, ni le dépouillement. »

Pour elle, c’est une vraie réussite : moyennant la mise à disposition d’ordinateurs et des ateliers de prise en main, elle comptabilise « 60 % de participation [contre 54,9 % en France pour la FPT, en 2014, ndlr], un dépouillement et un calcul de la répartition des sièges réalisés à vitesse grand V ! » A la demande de certains représentants syndicaux, la CU avait en 2016 accepté que le vote par correspondance (courrier postal) soit encore possible. Pour les élections professionnelles de 2018, où voteront quelque 1 200 agents, elle s’apprête à négocier une généralisation du vote dématérialisé (sauf exceptions) « pour passer une marche supplémentaire » vers le 100 % électronique. Depuis octobre, elle a intégré la préparation de ce scrutin à ses réunions hebdomadaires avec les syndicats. Si, pour l’heure, il a surtout été question de la parité des listes, le vote électronique sera à l’ordre du jour dès janvier.

Contact : Véronique Champagne, veronique.champagne@gpseo.fr

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