Cour des comptes – Piscines publiques

Cour des comptes – Piscines publiques : un plaidoyer pour moins d’État et plus d’intercommunalité.

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« Simplifier ou supprimer le soutien de l’Etat au financement de la construction de piscines et de centres aquatiques », d’un côté, « évaluer de façon systématique la pertinence d’un transfert des piscines et centres aquatiques communaux aux EPCI à fiscalité propre », de l’autre, telles sont les deux principales recommandations de la Cour des comptes dans la partie consacrée aux piscines et centres aquatiques publics de son rapport annuel public 2018, publié le 7 février. Plus globalement, le travail des magistrats financiers, portant sur un échantillon de 100 équipements aquatiques situés dans 69 collectivités, dresse un portrait peu flatteur des piscines publiques en France.
Au 1er avril 2017, la France comptait 4.135 piscines et 6.412 bassins de pratique de la natation. Si pour la cour, cette offre globale est supérieure à celle de certains pays limitrophes, la programmation n’est guère efficace. Ainsi, les espaces périurbains ou les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ont des taux d’équipements bien inférieurs à la moyenne nationale. Autre point noir mis en exergue par la cour : la vétusté des équipements, construits pour moitié avant 1977. Conséquence : beaucoup ne répondent plus aux normes d’hygiène et de sécurité ni aux attentes nouvelles du public. Les collectivités propriétaires devront donc prochainement décider de leur réhabilitation ou de leur… fermeture définitive.

Exploitations en déficit

En matière financière, le tableau n’est guère plus reluisant : aucune piscine ni aucun centre aquatique public examiné dans le cadre de l’enquête ne présente un résultat d’exploitation équilibré ou excédentaire. Le niveau de déficit moyen des piscines contrôlées est de 640.000 euros par an, soit pour l’ensemble de l’échantillon, en moyenne 25% de l’épargne brute des collectivités propriétaires.
Quant aux deux modes de gestion existants, la gestion directe ou la délégation de service public (DSP), aucun ne trouve grâce aux yeux de la Cour des comptes. Dans la gestion directe (85% des piscines), l’analyse des coûts d’exploitation est « très fréquemment insuffisante ». Alors qu’en DSP (30% des piscines mises en service depuis 2005), le contrôle est jugé « défaillant ». Par ailleurs, le processus d’attribution des contrats n’est « pas toujours bien maîtrisé par les collectivités » et le contrôle de leur exécution « reste souvent superficiel ». Pour la cour, les rapports avec le délégataire sont fréquemment déséquilibrés au détriment de la personne publique, qui ne dispose pas toujours des moyens adaptés. Or avec un coût moyen de construction d’un centre aquatique multifonctionnel d’environ 25 millions d’euros, « la personne publique propriétaire se doit de disposer ou de s’appuyer sur des compétences techniques, juridiques et financières élevées ».

Financement : les régions et départements plutôt que l’Etat

Une fois ces griefs énumérés, la cour en vient à expliquer sa première recommandation : « La place de l’Etat dans la programmation des piscines est désormais réduite, ce qui amène à s’interroger sur sa légitimité à intervenir pour l’avenir. » Les aides du CNDS (Centre national pour le développement du sport), qui représentent moins de 10% des investissements dans les piscines publiques, sont notamment visées.
Qui, dès lors, pour remplacer l’Etat ? Pour la cour, même si le soutien à la construction et à la rénovation des équipements sportifs n’est pas obligatoire pour les régions et départements, c’est bien à eux d’abonder les investissements des communes et intercommunalités. Les conférences territoriales de l’action publique, instaurées par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale, pourraient être chargées de valider des schémas régionaux de programmation coordonnés entre tous les acteurs concernés. Le versement des subventions régionales et départementales pourrait ensuite être conditionné au respect de ce schéma de programmation.

La commune, un échelon non pertinent

L’autre point-clé des recommandations de la Cour des comptes est résumé dans une phrase : « La commune n’est plus toujours l’échelon pertinent pour la gestion des piscines. » Si les communes étaient propriétaires des deux tiers des piscines publiques en 2017, l’étude de la provenance des usagers montre de façon très fréquente une dissociation entre le territoire de la ville propriétaire et le bassin de vie des utilisateurs de l’équipement.
Pour la cour, le transfert à l’intercommunalité permettrait de rapprocher la prise de décision publique du bassin de vie des usagers, de mieux organiser la gestion des équipements et d’assurer leur programmation à une échelle territoriale plus conforme aux besoins des populations. Dans son rapport, la Cour des comptes note toutefois que sur ce thème « les réticences restent fortes ».

Bercy et la place Beauvau en désaccord

Dans sa réponse à la Cour des comptes, l’Assemblée des communautés de France (ADCF) ne souscrit pas à la proposition de rendre obligatoire le transfert des piscines aux intercommunalités. « Le caractère intercommunal de ces équipements dépend des configurations et doit demeurer du choix des assemblées locales, dans le cadre de la définition de l’intérêt communautaire », écrit son président. Même son de cloche du côté de l’Association des maires de France (AMF), dont le président souligne « l’importance de laisser les territoires s’administrer librement et organiser la compétence à l’échelle communale ou intercommunale en fonction de la situation locale ». Sur ce point toujours, la position du ministre de l’Intérieur est plus nuancée mais ne s’en éloigne guère : « Si le transfert de la compétence en matière de gestion des piscines de la commune vers l’échelon intercommunal peut être encouragé, il apparaît opportun d’évaluer systématiquement sa pertinence. » Et le ministre de l’Intérieur de préciser que si « le recours à un transfert de compétence est intéressant pour les petites communes, notamment en milieu rural, [il] peut, cependant, ne pas être indispensable en ce qui concerne les communes moyennes ou de grande taille ».
Sur la question de la participation de l’Etat au financement des piscines, les avis sont plus tranchés. Si, d’un côté, le ministre de l’Intérieur juge « souhaitable » la pérennisation du soutien financier de l’Etat qui « garantit une équité du financement des équipements sportifs sur le territoire », de l’autre, le ministre des Comptes publics souscrit « pleinement » aux recommandations de la Cour de comptes, « et notamment à celle visant à simplifier ou supprimer le soutien de l’Etat au financement de la construction de piscines et de centres aquatiques ».

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