DG des collectivités : le recours accru aux contractuels censuré.

Olivier Le Moal
Dans sa décision sur la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 4 septembre, le Conseil constitutionnel a annulé les trois articles ouvrant plus largement les postes de directions générales de la fonction publique aux contractuels. Selon le juge constitutionnel, ces dispositions n’avaient pas de lien direct avec l’objet du texte.

Ouvrir davantage la fonction publique aux non titulaires dans un texte sur les parcours professionnels qui s’adresse essentiellement au secteur privé … l’argument n’a pas convaincu le Conseil constitutionnel.

Dans sa décision du 4 septembre, le juge suprême a censuré les trois articles de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel qui autorisaient le recrutement direct sur des postes de directions générales de l’Etat, de l’hospitalière et surtout des collectivités territoriales.

Conseil constitutionnel Déc n° 2018-769 DC du 4 septembre 2018 ( art. 69-70-71)

Ces dispositions n’avaient, pour le Conseil constitutionnel, aucun lien direct avec  l’objet de la loi. Autrement dit, il s’agissait bien là d’un cavalier législatif. Un argument qui avait été largement et ardemment défendu au cours de l’été par les opposants à la mesure.

Pour mémoire, le  gouvernement avait introduit trois amendements au projet  de loi « avenir professionnel » lors de la première lecture à l’Assemblée nationale. Ceux-ci avaient été adoptés par les députés en quelques minutes lors d’une séance, à trois heures du matin, la veille d’un week-end…

La forme et le fond avaient provoqué une levée de boucliers de certaines associations professionnelles de territoriaux (SNDGCT, AATF, ADRHGCT en particulier), et suscité les critiques de la part de certains élus locaux (associations et présidents des instances de la fonction publique territoriale comme le CSFPT ou le CNFPT).

Le Sénat les avait suivis en supprimant les articles en question. Mais le gouvernement et l’Assemblée nationale avaient rétabli les mesures arguant du fait qu’il s’agissait là d’une volonté du président de la République et que ces mesures constituaient le dispositif miroir à trois autres articles du texte destinés à faciliter les allers-retours dans le privé des fonctionnaires via un assouplissement des règles de disponibilité.

Mais cet ouverture se limitait aux postes des collectivités de 40000 habitants et plus. Ce fut un premier soulagement chez les territoriaux.

Dans son avis sur le projet de loi (qui ne contenait pas l’ouverture des postes de DG aux contractuels), le Conseil d’Etat avait déjà alerté le gouvernement sur le risque de cavalier législatif. Il écrivait alors que « la mesure proposée [sur les allers-retours dans privé des fonctionnaires] gagnerait à être approfondie et à s’inscrire, de préférence à titre expérimental, dans un projet de loi d’ensemble relatif à la fonction publique dans lequel elle trouverait mieux sa place ».

Malgré cela, le gouvernement a défendu jusqu’au bout le lien direct de ces dispositifs avec un texte destiné à faciliter les parcours professionnels. Les trois articles relatifs aux allers-retours dans le privé des fonctionnaires n’ont pas été contestés dans les trois saisines parlementaires. Le Conseil constitutionnel n’a donc pas eu à se prononcer dessus.

Un point sur lequel s’est évidemment appuyé le gouvernement dans son argumentaire devant le juge suprême. Les mesures sur le recours accru aux contractuels « présentent en effet, par leur objet, un lien avec celles des articles 108, 109 et 110 qui figuraient dans le projet de loi initial et qui assouplissent le régime juridique de la disponibilité pour favoriser les mobilités réalisées hors des administrations publiques par des fonctionnaires, peut-on lire dans les observations du gouvernement. Les unes et les autres concourent en effet à fluidifier et décloisonner les parcours professionnels entre secteur public et secteur privé et à faire bénéficier l’administration des expériences et des compétences acquises dans le secteur privé ».

Réponse lapidaire du Conseil constitutionnel : « Introduites en première lecture, les dispositions des articles 111, 112 et 113 ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale. Adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires ».

La décision n’a pas manqué de satisfaire les associations professionnelles de territoriaux les plus opposées à l’ouverture des postes de direction générales aux contractuels. L’AATF, le SNDGCT et l’ADRHGCT ont immédiatement applaudi la décision du Conseil constitutionnel.

Applaudissements

« Le Conseil constitutionnel  a pris l’argument de procédure le plus évident. On avait prévenu le gouvernement que sur la forme comme sur le fond, ces dispositions posaient problème. On ne peut pas court-circuiter des consultations en cours. J’imagine que le sujet reviendra en 2019 et j’espère qu’un débat plus serein pourra avoir lieu dans le cadre du projet de loi sur la fonction publique.  Notre souhait est de repartir sur de nouvelles bases », a commenté Fabien Tastet, le président de l’AATF.

Le syndicat des DG s’est, lui, dit « prêt à rouvrir le dialogue » avec le secrétaire d’Etat en charge de la fonction publique, Olivier Dussopt, en s’appuyant pourquoi pas sur l’Entente  [sept associations professionnelles de territoriaux, ndlr].

« Le Conseil constitutionnel a censuré la méthode du gouvernement d’utiliser les cavaliers législatifs. Sur le fond, il faut que nous puissions rediscuter. Nous ne sommes pas contre l’ouverture aux contractuels, mais à condition que les règles du jeu soient bien définies. Nous aspirons à un vrai dialogue à côté de celui que pourra avoir Olivier Dussopt avec les organisations syndicales et les associations d’élus pour que l’on puisse faire des propositions », indique Stéphane Pintre, le président du SNDGCT.

« Les professionnels de la fonction RH ne peuvent accepter qu’un tel sujet puisse être arbitré sans garde-fou, ni vision d’ensemble. (…) L’avenir et la modernisation de la Fonction publique nécessitent un texte fruit d’écoute et de concertation », estime pour sa part l’Association des DRH des grandes collectivités, dans son communiqué sur la décision du Conseil constitutionnel.

Dépasser le débat conflictuel

Les relations entre ces trois associations professionnelles de territoriaux, pourtant globalement favorables à une ouverture encadrée des postes de directions générales aux contractuels, et le secrétaire d’Etat ressortent en effet largement abîmées de cet été 2018. L’un des défis des futures discussions sera sans doute de dépasser ce premier débat conflictuel.

Quant aux organisations syndicales (OS), plutôt silencieuses sur la question précise des postes de directions générales, et alors que les élections professionnelles se profilent à la fin de l’année, elles vont tenter de reprendre la main sur la concertation en cours sur la fonction publique.

L’Unsa Fonction Publique  a été la première à réagir sur cette décision du Conseil constitutionnel en sermonnant le gouvernement : « c’était une négation du dialogue social alors qu’était par ailleurs ouvert un champ de concertation sur des sujets RH dont le recours accru aux contrats »…

Au secrétariat d’Etat, où l’on « ne commente pas une décision du Conseil constitutionnel », on assure à la Gazette que le gouvernement « reste mobilisé sur cet objectif » [d’ouverture aux contractuels des postes de DG] dans le cadre du futur projet de loi sur la fonction publique. La « concertation continue avec les organisations syndicales et les employeurs territoriaux »…

Références

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