Réforme de la fonction publique : le gouvernement reste inflexible…

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Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics.
Patricia Marais
Le fossé continue de se creuser entre les syndicats de la fonction publique et le gouvernement. Le second point d’étape sur la refondation du contrat social avec les agents publics leur a donné le sentiment, à l’approche des élections professionnelles du 6 décembre, d’être « pris en otage » et de « faire l’objet de chantage ».

Au lendemain du deuxième comité interministériel à la transformation publique (CITP), et des « déclarations surprises » du ministre de l’Action et des comptes publics, Gérald Darmanin, qui l’avaient précédé, les neuf syndicats de la fonction publique se sont eux-mêmes étonnés de leur présence à tous, mardi 30 octobre, au second point d’étape sur la refondation du contrat social avec les agents publics.

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Ce rendez-vous – portant sur l’évolution des rémunérations, l’accompagnement des mobilités et des transitions professionnelles – semblait en effet incontournable puisque les concertations sont désormais suspendues jusqu’aux élections professionnelles du 6 décembre.

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Mais il laisse un goût plus qu’amer aux syndicats.

D’abord parce que, bien que cela n’était pas à l’ordre du jour, le secrétaire d’Etat en charge de la fonction publique, Olivier Dussopt, a tenu une nouvelle fois à déminer le terrain sur le sujet du recours aux contractuels dans la fonction publique. Le terme « généralisation» emprunté par Gérald Darmanin deux jours plus tôt n’a, soigneusement, pas été repris. Et le « recours accru » ne figure pas non plus à son vocable.
L’ambition est bien plutôt maintenant « d’étendre largement le recours au contrat sur les emplois permanents de la fonction publique, quel que soit le niveau de l’emploi, tout en améliorant parallèlement les conditions de recrutement et d’emplois des agents contractuels ». « Malgré le changement lexical, nous restons en désaccord », réagit Mylène Jacquot (CFDT).

« Le gouvernement fait fi de quasiment tous les échanges que nous avons depuis des mois, tout semble plié d’avance », résume Didier Bourgoin (FSU). Tout récemment, les organisations syndicales s’étaient fermement opposées aux deux scenarios proposés pour valoriser le mérite des agents. Mais le gouvernement ne vacille pas et a continué de défendre, ce mardi, l’idée d’un « bonus annuel », instauré pour toutes les catégories hiérarchiques, corps ou cadres d’emploi d’appartenance, grâce notamment à une évolution des modalités de mise en œuvre du régime indemnitaire actuel. « Ce bonus devra représenter une part minimale de la rémunération, dont le niveau reste à arrêter » par  chaque employeur public, explique le secrétariat d’État en charge de la fonction publique.

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Syndicats « pris au piège »

Au final, les syndicats ont le sentiment de n’avoir que très peu d’influence sur ces deux orientations brûlantes. Et aussi d’être « pris au piège », pour reprendre l’expression de plusieurs militants, concernant le projet d’accord égalité femmes-hommes dans la fonction publique.

« Tout plaide, a priori, pour que les OS apposent leur signature », observe Bruno Collignon (FA-FP). Seulement voilà, Olivier Dussopt aurait insisté ce mardi sur le fait que si l’accord en question n’était pas majoritaire, il ne figurerait pas dans le projet de loi réformant la fonction publique. Un « chantage » qui n’est au goût de personne.

« Le protocole devrait être regardé pour ce qu’il est. Mais là, il y a de quoi se poser sérieusement des questions. D’autant que les mesures sur lesquelles le gouvernement reste inflexible [élargissement du recours aux contractuels et rémunération au mérite] ne vont pas franchement dans le sens de l’égalité professionnelle », soulève Jean-Marc Canon (CGT). Pour un militant, le gouvernement surferait tout simplement, à près d’un mois des élections professionnelles, sur la vague du désamour des citoyens pour le syndicalisme afin de perturber la stratégie des organisations.

Accompagnement des transitions : les collectivités devront s’autofinancer

S’agissant de l’accompagnement des mobilités et des transitions professionnelles – thématique sans nul doute la plus consensuelle – les axes retenus concernent essentiellement la fonction publique d’État.  Elles avaient été quelque peu développées la veille au CITP.

Un fonds d’accompagnement interministériel RH  (FAIRH) doté d’une enveloppe de 50 millions d’euros pour sa première année de fonctionnement, sera créé pour cofinancer des mesures individuelles et collectives d’accompagnement des transformations RH. Les collectivités, elles, devront les autofinancer. Jean-Robert Massimi, directeur général du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), se dit « prêt » à étudier la possibilité d’un fonds dédié pour la territoriale. La question pourra être évoquée avec Olivier Dussopt, attendu pour la séance plénière du CSFPT du 28 novembre.

Une fonction interministérielle « d’appui à la mobilité et aux transitions professionnelles , pour laquelle une mission de préfiguration va être lancée et remettra ses conclusions au second semestre 2019, s’appuiera sur des plateformes régionales d’appui à la gestion des ressources humaines (PFRH) renforcées, et sur des coopérations avec les acteurs RH des deux autres versants de la fonction publique (Centre National de la Fonction Publique Territoriale [CNFPT], Centres de Gestion etc.). Autre engagement pris : les règles de mutation en cas de suppression d’emploi seront clarifiées et améliorées dans les trois versants de la fonction publique et un congé de transition professionnelle avec maintien de la totalité de la rémunération pourra être pris pour ceux qui souhaitent changer de métier.

Enfin, concernant les mobilités vers le secteur privé, l’indemnité de départ de volontaire (IDV) sera accessible jusqu’à deux ans du départ à la retraite, contre cinq aujourd’hui, et donnera droit aux allocations chômage. Par ailleurs un dispositif passerelle sera proposé aux agents, sous la forme d’une mise à disposition individuelle pour une durée maximale d’un an et les règles de détachement seront revues pour accompagner les cas d’externalisation de services.

Poursuite des discussions

Tous ces nouveaux outils d’accompagnement RH seront mobilisables en 2019, d’après le gouvernement : « Dès le 1er janvier 2019 pour ceux nécessitant seulement des évolutions réglementaires, et au second semestre 2019 pour ceux nécessitant des évolutions législatives à prévoir dans le cadre du projet de loi ‘fonction publique’. »

« Si cette matinée était réellement un point d’étape, il faudra impérativement poursuivre les discussions après le 6 décembre », prévient Luc Farré (Unsa). Le gouvernement n’a pas encore donné de nouveau rendez-vous aux employeurs et syndicats de la fonction publique.

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