Fonction publique : quatre « chantiers » pour parvenir à un projet de loi en 2019.

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© AFP | Olivier Dussopt

Engagée au printemps, la concertation sur les réformes de la fonction publique va se poursuivre à partir de la rentrée, dans la perspective d’un projet de loi qui sera présenté au premier semestre 2019. Les principaux objectifs du gouvernement sont au nombre de quatre : rénover les instances de dialogue social, élargir le recours au contrat, renforcer « la rémunération au mérite » et mieux accompagner les évolutions professionnelles. Une concertation spécifique à la « modernisation » de la fonction publique territoriale est en cours.

« Adapter » et « assouplir » le statut de la fonction publique, « faire en sorte qu’il puisse redevenir un cadre efficace pour l’action publique ». Telle était l’ambition affichée par le Premier ministre, en annonçant le 1er février le lancement d’une concertation au long cours avec les syndicats et les employeurs publics. Depuis l’ouverture effective, fin mars, de cette concertation, plusieurs dizaines de réunions ont eu lieu, parfois sans certains syndicats – ceux-ci choisissant de les boycotter. Au fil des travaux, le projet gouvernemental s’est précisé. Jusqu’au « point d’étape » que le secrétaire d’État, Olivier Dussopt, a organisé le 19 juillet. Les instances de dialogue social pourraient être profondément renouvelées. Une nouvelle instance « chargée des questions collectives » serait créée par la fusion des comités techniques et des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). De leur côté, les commissions administratives paritaires, qui traitent des carrières individuelles, verraient leur rôle recentré sur « l’examen des situations les plus délicates ».
En outre, le gouvernement entend élargir le recours au contrat. Pour cela, un nouveau type de contrat, dit « de projet », ou « de mission », ferait son apparition. Avec ce CDD d’une durée maximale de six ans, les employeurs publics pourraient plus facilement « s’adjoindre temporairement des compétences spécifiques de tous niveaux pour la conduite de projets ». La concertation sur cet axe de la réforme doit se poursuivre à la rentrée. Une réunion devrait ainsi traiter de l’amélioration des conditions d’emploi des contractuels.

« Individualisation des rémunérations »

Deux autres questions ont été abordées plus tardivement. D’abord, celle de « l’individualisation des rémunérations ». « Nous réfléchissons à de nouvelles formes d’intéressement des agents publics, sur le plan individuel comme collectif, pour mieux reconnaître l’exercice de certaines fonctions ou responsabilités », précisait Olivier Dussopt, le 11 juillet dernier. Il s’agit aussi, a-t-il dit, d' »apporter des réponses concrètes aux problématiques d’attractivité de certains territoires ou de certains métiers ». L’autre chantier porte sur les évolutions de carrière. L’enjeu consiste, selon le secrétaire d’État, à « offrir aux agents candidats à une mobilité mais également à ceux qui sont concernés par l’évolution de leurs métiers ou de leur service, de nouvelles perspectives d’évolution professionnelle, dans la fonction publique ou, pour celles et ceux qui le souhaitent, dans le secteur privé ». Ces départs dans le privé s’effectueraient notamment dans le cadre de plans volontaires.
Les discussions sur les rémunérations et l’accompagnement des évolutions professionnelles feront l’objet d’un point d’étape au mois d’octobre. Ensuite, tandis que les syndicats consacreront leurs forces aux élections professionnelles du 6 décembre, le gouvernement préparera un projet de loi pour le premier semestre 2019. En sachant que de nouvelles réunions de concertation ne sont pas exclues, au début de l’année prochaine.

Les emplois de direction générale largement ouverts aux contractuels

Le futur texte de loi sur la fonction publique constitue le vecteur idéal pour élargir les possibilités de recours au contrat, comme le souhaite le gouvernement. Mais, alors que venait de débuter la concertation dédiée à ce sujet, il a voulu anticiper la réforme, pour partie, afin de mettre en œuvre rapidement l’une des mesures du programme d’Emmanuel Macron pour l’élection présidentielle : la très large ouverture des postes d’encadrement supérieur aux contractuels. Dans ce but, il a déposé des amendements dans le cadre de la discussion en première lecture à l’Assemblée nationale du projet de loi « Avenir professionnel », qui a démarré le 11 juin. Des dispositions que la majorité a adoptées sans le moindre débat, dans la nuit du 15 au 16 juin. Mais, qui ont fait l’unanimité contre elles, tant du côté des associations et syndicats de cadres supérieurs que des institutions de la fonction publique territoriale. Une hostilité entendue par les sénateurs, mais aussi et surtout, finalement, par les députés. Lors de l’examen en nouvelle lecture du projet de loi, ceux-ci ont réservé la possibilité d’un recrutement direct des contractuels sur des emplois de direction générale aux collectivités territoriales d’au moins 40.000 habitants – ce seuil étant celui à partir duquel les employeurs locaux peuvent recruter des administrateurs.
« La mesure n’a jamais été demandée ni par le collège des employeurs du CSFPT [ndlr : Conseil supérieur de la fonction publique territoriale], [ni] par les associations d’élus territoriaux », a tenu à souligner Philippe Laurent, président de l’instance de concertation de la FPT. Ce dernier sait de quoi il parle. A la demande du Premier ministre, il conduit avec le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics une mission sur la « modernisation de la fonction publique territoriale », dont un point d’étape a été dressé, début juillet, en présence du Premier ministre et des représentants de la plupart des associations de maires et de présidents d’intercommunalités. Proposition phare : la création d’une coordination des employeurs territoriaux – prévue pour l’automne – qui permettrait de renforcer la capacité des employeurs territoriaux à participer aux négociations sur les décisions en matière de gestion des ressources humaines. En matière de temps de travail, les employeurs locaux souhaitent que toutes les collectivités se conforment à la durée légale de 1.607 heures par an. Ils prônent un « retour » à la norme qui soit « progressif et négocié dans le cadre du dialogue social ». Ils ont aussi, entre autres, rejeté la décorrélation du point d’indice proposée par le président de la République et souhaité une évolution des centres de gestion et du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Le gouvernement paraît accepter l’ensemble de ces demandes.

Climat tendu

La concertation sur ces différents chantiers va se poursuivre au cours de l’automne. Une saison qui sera riche en discussions, puisque le gouvernement annonce deux autres axes de travail, dans le cadre de l’Agenda social de la fonction publique : l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes – avec une possible négociation sur ce thème – et la protection sociale complémentaire.
Ces travaux seront menés avec des syndicats excédés par la politique du gouvernement et qui se sentent peu ou pas entendus. Gel du point d’indice, report d’un an de la mise en œuvre des mesures de revalorisation des carrières décidées sous le précédent quinquennat, retour du jour de carence, compensation de la CSG sans gain de pouvoir d’achat… les différends entre l’exécutif et les représentants des agents publics se sont multipliés depuis un an. Les minces annonces faites lors du rendez-vous salarial du 18 juin n’ont pas arrangé les choses. Pas plus que les recommandations du rapport du Comité action publique 2022 mis en place en octobre 2017 par le Premier ministre. Ce rapport d’une quarantaine de personnalités des secteurs public et privé, longtemps tenu secret, promet 30 milliards d’euros d’économies – alors que le gouvernement ne lui demandait d’en trouver qu’à hauteur de 4,5 milliards d’euros – tout en améliorant la qualité du service public. L’une de ses recettes consiste à élargir le « recours au contrat de droit privé » – et non celui de droit public – dans les administrations de l’État, les hôpitaux et les collectivités territoriales. Ce type de contrat serait, selon ce document, « la voie ‘normale’ d’accès à certaines fonctions du service public ».
Pour les syndicats, le gouvernement a anticipé cette recommandation du comité en la plaçant au cœur de la concertation lancée au début du printemps. Et en dépit des déclarations rassurantes d’Olivier Dussopt, l’exécutif tente, selon eux, ni plus ni moins de remettre en cause le statut de la fonction publique. Cette inquiétude sera certainement au cœur de la campagne que les syndicats mèneront pour les élections professionnelles, décisives pour leur influence.

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