FPT, contractuels, temps de travail : Macron met « les pieds dans le plat ».

Publié le 22/11/2018 • Par Bénédicte Rallu • dans : A la uneA la Une RHFranceToute l’actu RH

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EMMANUEL MACRON
CEDRIC LECOCQ/LA GAZETTE DES COMMUNES

Devant les maires, le président de la République a relancé le débat sur le décrochage des « trois fonctions publiques » et la décorrélation du point d’indice. La mesure, qui faisait l’unanimité contre elle, avait pourtant été écartée par le gouvernement à plusieurs reprises au cours de cette année. Au nom d’une « souplesse » donnée aux élus, Emmanuel Macron a par ailleurs réaffirmé une plus grande ouverture aux contractuels « hors du cadre de la fonction publique territoriale ». Il est aussi bien décidé « à mettre les pieds dans le plat » sur les 35 heures dans les collectivités.

Et de trois ! Lors de son intervention devant 2024 maires réunis à l’Elysée mercredi 21 novembre, Emmanuel Macron a proposé à nouveau une gestion des différenciée « des trois fonctions publiques » et la décorrélation du point d’indice.

Il l’avait déjà suggéré à deux reprises  en 2017 : une première fois  lors de la conférence nationale des territoires de juillet, puis une seconde fois déjà devant les maires lors de leur congrès de novembre. Devant la levée de bouclier unanime, à la fois des organisations syndicales, des associations professionnelles de territoriaux, et des employeurs territoriaux eux-mêmes, le gouvernement avait reculé.

Le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Action et des comptes publics, Olivier Dussopt, avait officiellement écarté la piste en juillet dernier lors de la présentation de la réforme de la fonction publique territoriale lors de la réunion de l’instance de dialogue des territoires. Et pas plus tard que le 13 novembre, il l’avait répété lors d’une conférence de presse sur les élections professionnelles.

Rien qui justifie que les trois fonctions publiques soient accrochées l’une à l’autre.

Mercredi soir, le président de la République a balayé tout cela. « Je suis très  favorable à ce qu’on puisse confier aux élus, aux associations d’élus la gestion de la fonction publique territoriale. Il n’y a rien qui justifie que les trois fonctions publiques soient accrochées l’une à l’autre. Quand le gouvernement veut monter d’un point l’indice des infirmières, comme cela a été le cas sous le précédent quinquennat, c’est l’ensemble des fonctionnaires, y compris des fonctionnaires territoriaux qui ont le point augmenté avec une charge du coup qui vous retombe dessus et qui au total a représenté de mémoire de l’ordre de 1 milliard d’euros pour les collectivités territoriales. Là-dessus, prenons tous nos responsabilités. Moi, je suis partant pour desserrer l’étau et avancer », a-t-il asséné dans son discours introductif.

Aux élus de gérer « la dynamique et les équilibres de leur fonction publique »

Plus tard, lors du jeu de questions-réponses avec ses invités, il a enfoncé le clou : « Je souhaite que dans ce contrat de confiance avec les élus, les associations d’élus puissent gérer la dynamique et les équilibres de leur fonction publique. Je pense que ce n’est pas fin que les trois fonctions publiques aient la même dynamique de gestion, les  mêmes règles pour toute l’éternité. Là-dessus, j’ouvre ce débat. » Des propos qui sonnent comme la fin d’une fonction publique unifiée.

Les élus face à leurs responsabilités

La création d’une coordination des employeurs publics territoriaux en septembre dernier, à l’initiative du président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale Philippe Laurent, maire (UDI) de Sceaux, mais aussi secrétaire général de l’Association des maires de France, avait pour objectif de présenter une alternative à la proposition de décrochage des trois versants de la fonction publique et à la décorrélation du point d’indice, tout en pesant dans les négociations.

Alors que le sujet de la fonction publique territoriale ne figurait pas dans le programme du 101ème congrès de l’AMF, Philippe Laurent avait vanté par deux fois l’intérêt, pour les élus locaux, de ne parler que d’une seule voix en la matière. Emmanuel Macron veut aller plus loin… et mettre les élus face à leurs responsabilités.

« Embaucher davantage sur la base de contrats »

Sous le prétexte de leur « redonner des souplesses », le président de la République veut aussi poursuivre son programme « en termes d’embauches hors du cadre de  la fonction publique territoriale en permettant d’embaucher davantage sur  la base de contrats » via la réforme de la fonction publique, sur laquelle une concertation est engagée depuis février dernier.
L’idée est de « permettre d’avoir davantage de contractuels, d’être plus efficaces, d’avoir plus de souplesse dans la gestion ».

Et il veut le faire vite avec les élus. A quinze jours des élections professionnelles, alors que les organisations syndicales sont en pleine campagne, la période s’annonce propice pour avancer. Pour mémoire, le projet de loi de réforme de la fonction publique doit être adopté au cours du premier semestre 2019.

Arrêter les jours du maire

Au-delà de ces deux sujets déjà explosifs, le président de la République veut aussi « oser » briser « un tabou » : le temps de travail dans les collectivités. « Autant mettre les pieds dans le plat ».

En s’appuyant sur les chiffres de la Cour des comptes, il a constaté que dans la fonction publique territoriale, « on n’est pas aux 35 heures. Il faut que, collectivement, on soit responsables. Et donc qu’on puisse arrêter le jour du maire, du président, de la femme du président, du cousin du président, où on se retrouve dans une situation où les 35 heures ne sont pas là. Et ça coûte cher à tout le monde. Il faut le corriger, c’est l’esprit de responsabilité. Mais il faut qu’on soit tous au rendez-vous. »

Une approche directe qui n’avait pas la préférence d’Olivier Dussopt. Il y a encore quelques semaines, le secrétaire d’Etat avait dit vouloir éviter d’ouvrir une boîte de Pandore sur les jours de congés liés à des événements historiques, comme par exemple la fin de l’esclavage, ou encore à certaines célébrations religieuses. Sa préférence (partagée avec Philippe Laurent, Président du CSFPT ) ? : un travail sur les autorisations spéciales d’absence.

Bref, en matière de fonction publique territoriale, mercredi soir, le président de la République a joué à fond la carte de la disruption. Et l’hommage qu’il a rendu au travail et à l’abnégation des fonctionnaires territoriaux et de l’Etat, en se référant à des épisodes dramatiques comme celui des inondations dans l’Aude, risque de ne pas suffire à contenir l’incendie qu’il vient sans doute d’attiser.

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