Pascale Tessier | A la Une finances | Actu experts finances | France | Publié le 02/02/2018
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Contrôle des dépenses drastique oblige, les collectivités cherchent désormais à mieux définir les coûts de leurs services et réfléchissent en conséquence à la tarification de leurs services. Mais attention à l’exigence que pourrait avoir le contribuable de laisser payer l’usager. Certains impôts ne seront jamais fléchés et une telle mesure nuirait au principe de collectivité et de bien-vivre ensemble.
Coût-tarification-fiscalité, un triptyque qui va être à la mode cette année…
C’est une vieille question, mais qui n’a jamais été tranchée et qui doit l’être rapidement, avant les arbitrages financiers brutaux qui s’annoncent. L’usager doit-il se substituer au contribuable et acquitter le juste prix des services qu’il utilise, afin que le second voit sa contribution fiscale diminuer ? La tentation peut être grande, afin de calmer le mécontentement croissant de citoyens trouvant injuste de financer ce dont ils n’ont pas l’usage. Mais Thomas Eisinger, Chef de projet administratif et financier auprès du DGAS Education Culture Jeunesse à la région PACA et responsable du groupe de travail sur la tarification à l’Afigese (association finances, gestion et évaluation
des collectivités territoriales), incite à la plus grande prudence : “Il y a une évolution silencieuse à laquelle il faut être très attentif et “c’est d’une main tremblante qu’il faut toucher au tarif.” Car s’il s’agit d’une “nécessaire transversalité” pour l’administration, c’est aussi “un risque politique” pour les élus.
Une vraie dimension pédagogique.
“L’arbitrage contribuable entre et usager va être de plus en plus prégnant”, insiste l’expert.“Connaître le coût de chaque service [1]c’est se préparer à affronter des discussions houleuses qui ne manqueront pas avec les citoyens.”
Pour Thomas Eisinger, dans la révélation du coût d’un service à la collectivité, “il y a une vraie dimension pédagogique de la part des élus qui veulent partager le fardeau des arbitrages négatifs qu’ils doivent faire. C’est compliqué pour eux de faire des choix et communiquer les rassure.” Qui plus est, “la connaissance des coûts permet de sortir de l’illusion de la gratuité que l’on peut avoir sur certains services publics.”
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Bouger les tarifs c’est envoyer un message.
Avec le coût sous les yeux, les habitants reconnaissent généralement “que ça coûte cher”, se montrent plus réceptifs à une modification de service (d’horaires d’ouverture par exemple), mais sont aussi plus tentés de le rapporter à leur propre usage, sous entendant “je ne vais jamais à la piscine, pourquoi devrais-je donc en payer le fonctionnement ?”
Or, souligne Thomas Eisinger, “répondre au problème budgétaire en disant « il faut de l’argent», c’est envoyer le message que le service est moins public que ce que l’on disait avant. La plupart des augmentation de tarifs sont plus des réflexes budgétaires : on a besoin d’argent donc on va le chercher. Bouger les tarifs c‘est envoyer un message qui peut vouloir dire qu’il y a là un service de plus en plus concentré sur un nombre de personnes et non pas sur l’ensemble des contribuables.”
Accepter de ne pas avoir de contrepartie.
La décision de faire payer l’usager au lieu du contribuable ne doit donc pas être prise à la légère. “Globalement, il faut réfréner cette exigence, car si on va jusqu’au bout, on n’aura plus que des taxes, impôts et redevances fléchés et on n’aura plus de place pour les impôts locaux qui n’ont pas de destination, mais qui sont la marque de confiance pour le bien vivre ensemble”, prévient Thomas Eisinger.
Augmenter un tarif, c’est considérer l’évolution des degrés : d’externalisation, de confinement ou de généralisation du service rendu. Un exemple avec les universités dont la justification de l’augmentation de tarif doit être précisée entre : un service davantage rendu à l’étudiant qu’à la société dans son ensemble, un nombre croissant d’étrangers -donc non-contribuables réguliers- intégrant nos universités, ou un service bénéficiant à un public de plus en plus restreint ?
Mais quels que soient les besoins de maîtriser les coûts, Thomas Eisinger estime que détailler le fléchage de chaque euro peut inciter le citoyen à trop d’individualisme, à l’opposé de ce que doit être la collectivité. “Il faut accepter de de ne pas avoir de contrepartie à l’argent que l’on donne à la collectivité. On est d’accord pour certains impôts identifiés comme les ordures ménagères ou les transports, par exemple, mais pas cette part des impôts non affectés.” D’ailleurs, c’est impossible à faire “car il y a des services publics qu’on ne peut pas fractionner, tels que la police, la justice, … Il n’est pas possible d’identifier les usagers précis de tout ça.”