Négociation sur le régime unique de retraite complémentaire : un tremplin pour la réforme Macron ?

Le programme de travail dévoilé par le gouvernement indique que l’année 2018 sera consacrée à la rénovation de notre système de retraite « pour le rendre plus transparent et plus juste ». Pour reprendre le slogan de la campagne Macron, « pour chaque euro cotisé, le même droit à retraite pour tous ».

La promesse ne résiste pas à l’analyse, une note en ligne sur le site de l’UGICT-CGT démonte la mystification :

http://www.ugict.cgt.fr/articles/billet/les-retraites-facon-macron–enfumage-et-mystification

« Rénover » dit le gouvernement : il ne faut pas se laisser abuser par le lexique, il ne s’agira pas d’un coup de ripolinage, mais bel et bien de mettre tous les régimes de retraite du public et du privé sur les rails d’une refonte sans précédent, puisqu’il s’agira de les faire converger vers un fonctionnement à l’identique et en l’occurrence à cotisations définies.

Le maintien du niveau de vie entre les périodes d’activité et de retraite cessant d’être un objectif, les pensions de retraite, proportionnelles au salaire, seraient remplacées pas des rentes viagères, proportionnelles à l’espérance de vie.

De surcroît, les rentes seraient appelées à baisser d’une année sur l’autre, autant que de besoin pour équilibrer les comptes sans augmenter les ressources, un système à cotisations définies se caractérisant par le blocage définitif des taux de cotisation. Voilà qui satisfait parfaitement aux exigences du Medef.

Dans ce contexte, les négociations concernant la mise en place du régime unique complémentaire, en remplacement des régimes ARRCO et AGIRC, sont un véritable tremplin pour « ce changement de paradigme », revendiqué par Laurence Parisot, l’ex-patronne du Medef.

Où en sont les négociations ?

Il convient tout d’abord d’en évoquer la face cachée : c’est-à-dire les groupes de travail paritaires.

Le 15 juin dernier s’est tenue la 14ème réunion du groupe de travail paritaire sur le régime unifié. Observons que de ce point de vue, le Medef a parfaitement réussi son coup. Non seulement ces réunions n’ont suscité aucune curiosité de la presse, mais elles n’ont appelé aucun débat public alors qu’elles sont une phase à part entière de la négociation.

Preuve en est : elles ont permis d’écrire 90 % de la réglementation du futur régime unique. Page 2 sur 3 Note aux organisations de l’Ugict-CGT Montreuil, le 23 juin 2017.

Bien qu’ils n’en sachent rien, les salariés actifs et retraités ont d’ores et déjà perdu des droits :

  • a été créé un délai de prescription de trois ans après la liquidation de la pension pour obtenir sa révision, la recevabilité de la demande étant subordonnée à une révision de la pension versée par le régime de base !
  • Un principe de « défaveur » a été acté par les autres organisations syndicales : pour les régularisations de carrière, la nouvelle réglementation sera systématiquement appliquée sauf si le requérant rapporte la preuve d’une réglementation antérieure qui lui serait plus favorable. Démonstration qui est hors de sa portée, puisqu’avant 1999 il existait une cinquantaine de régimes différents regroupés dans l’ARRCO, ayant chacun leur réglementation propre !

Il ne reste donc plus qu’à négocier les points durs :

  • le plafonnement des majorations familiales pour enfants nés et élevés : la CGT n’en a jamais voulu, les majorations étant proportionnelles au nombre d’enfants, il n’y a pas de raison de les écrêter.
  • Le niveau des pensions de réversion, 60 %, 54 % ou 50 %, l’âge de la réversion (55 ans ou 60 ans).
  • Le devenir de la Garantie minimale de 120 points annuels (GMP) qui bénéficient aux seuls ressortissants de l’AGIRC et dont nous proposons l’extension à tout le salariat.
  • La possibilité de baisser la valeur du point et donc de réduire le montant des futurs droits à retraite ainsi que le montant des pensions, qu’elles aient été liquidées avant ou après le 1er janvier 2019.
  • L’introduction ou pas de mécanismes d’équilibrage semi-automatiques pour un fonctionnement à cotisations définies.
  • L’inscription ou pas d’un objectif de taux de remplacement minimum du salaire par la pension complémentaire.

Sur ce dernier point, observons que le taux de remplacement devient une notion tabou puisque le Medef veut faire fonctionner le régime unique complémentaire à cotisations définies. S’il obtenait gain de cause, la réforme nationale des retraites annoncée par le gouvernement Macron s’en trouverait légitimée par anticipation.

Les ICTAM, parce qu’ils perçoivent près de 52 % du total de leurs pensions de retraite des régimes AGIRC et ARRCO, en seraient les premières victimes sans que le reste du salariat ne soit épargné : la baisse généralisée des pensions étant la clef de l’équilibre financier des régimes à cotisations définies.

Les ingénieurs, cadres, techniciens et agents de maîtrise, dans l’espoir d’améliorer leur retraite, n’auraient plus d’autres choix que de souscrire auprès des banquiers et des assureurs des produits d’épargne retraite, en pure perte, puisque capital et rentes sont exposés à la volatilité des marchés financiers … Page 3 sur 3 Note aux organisations de l’Ugict-CGT Montreuil, le 23 juin 2017.

Ce faisant, grand serait le risque qu’ils ne se refusent à cotiser deux fois : l’une, en répartition par solidarité avec le reste de la population, l’autre en capitalisation, pour leur propre compte. Ils sont d’ores et déjà encouragés dans ce sens par des think tanks, comme l’Institut de la Protection sociale, qui préconisent la sortie de ces catégories socioprofessionnelles de la Sécurité sociale pour la réserver aux plus démunis.

L’enjeu des négociations sur le régime unique complémentaire est donc aussi celui du devenir de la Sécurité sociale : privée de la cotisation des ICTAM, la Sécurité sociale ne serait plus qu’un organisme d’assistance réservé aux plus pauvres pour de pauvres prestations.

Quelles alternatives ?

L’accord conclu le 30 octobre 2015, s’il acte la disparition de l’AGIRC et de l’ARRCO, laisse d’amples marges de manoeuvre aux organisations syndicales pour construire un régime unique complémentaire répondant aux aspirations des salariés actifs et retraités. Ce qui suppose :

  • d’initier un débat national : il s’agit de sortir par tout moyen de la clandestinité des groupes de travail pour informer les salariés et leur permettre d’exprimer leurs besoins et leurs attentes.
  • D’empêcher la sous-indexation, le gel ou la baisse de la valeur du point de retraite (pendant plusieurs décennies) et donc des pensions, liquidées ou en cours de constitution.
  • D’assigner au futur régime unique des objectifs de taux de remplacement du salaire par la pension pour les tranches situées en-dessous et au-dessus du plafond de la Sécurité sociale.
  • D’accroître significativement les ressources du nouveau régime, notamment en élargissant son assiette de financement et en instaurant une contribution patronale en faveur de l’égalité salariale femmes / hommes ce qui permettrait d’améliorer le niveau des futures pensions.

…. de négociation … à la hussarde :

Considérant que tout a été réglé dans les groupes de travail, le Medef vient de communiquer son calendrier de négociation … à la hussarde :

  • « Une à deux réunions bilatérales en octobre : la CGT sera reçue le jeudi 12 octobre.
  • Une première réunion multilatérale le 8 novembre pour signer l’accord réglementant le régime unique de retraite complémentaire.
  • En cas d’échec de la réunion du 8, une nouvelle réunion pour signature le 17 novembre ».
Imprimer cet article Télécharger cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *