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1- Pourquoi ?
Les collectivités disposent de la liberté du choix du mode de gestion de leurs services publics (principe constitutionnel de libre administration des collectivités). Elles peuvent décider soit de gérer directement le service, soit d’en confier la gestion à un tiers.
L’externalisation d’un service public consiste à confier à une entreprise tout ou partie d’une activité soit par contrat de délégation, soit par contrat de partenariat. Elle concerne aussi bien des investissements (construction d’hôpitaux par exemple) que de la gestion (transports, eau potable, piscines…).
Les collectivités assurent des missions de service public qu’elles peuvent gérer directement, en régie ou bien qu’elles peuvent déléguer dans le cadre de DSP. Dans le cas d’une DSP, la rémunération du délégataire est substantiellement liée aux recettes de son activité. Mais les DSP peuvent aussi prévoir des compensations de la collectivité en cas de déficit ce qui est en général le cas pour les piscines qui accueillent des activités rarement rentables. Nous les connaissons tous, la natation scolaire, l’apprentissage, le perfectionnement, l’aquaphobie, les accueils d’IME, CAT, Centre de loisir, Clubs, …
Par ordonnance de 2016, le code général des collectivités territoriales a été réécrit pour désormais énoncer qu’une délégation de service public (DSP) est un contrat de concession au sens de l’ordonnance du 29 janvier 2016 confiant la gestion d’un service public (avec transfert du risque et d’un droit d’exploitation).
2 -Avantages et inconvénients
Les avantages sont clairement des économies en moyens de personnels, les inconvénients dans la tarification et les subventions pour assurer le bénéfice du délégataire privé, soit de l’actionnaire de l’entreprise.
« Dans cette formule, la Collectivité est déchargée des tâches d’exploitation quotidiennes mais également de la gestion puisque le Délégataire se charge de tenir sa comptabilité et encaisse directement les recettes auprès des usagers.
Cependant, la Collectivité ne doit pas délaisser son service : un suivi s’appuyant sur la communication périodique d’indicateurs, la tenue de commissions de suivi et l’examen du rapport annuel permet de contrôler la qualité du service et la maîtrise du coût à la charge de la Collectivité (versé sous la forme d’une participation financière).
Un inconvénient lié à ce mode de gestion est lié au régime de la fiscalité sur les subventions versées par l’autorité délégante au fermier : elles sont souvent qualifiées de subventions compléments de prix et sont de ce fait assujetties à une TVA non récupérable ».
(Données extraites d’une étude confiée à «Service Public 2000» par la communauté d’agglomération de Vitré Communauté en 2008)2.
La gestion étant faite par le délégataire, la communauté de communes ne gère plus le personnel, la gestion financière (régie des entrées, factures…) et les relations clientèles. Le délégataire peut alors « réduire le personnel et surtout recruter des personnels moins onéreux ».
Il existe différents niveaux compétences chez les Maîtres Nageurs Sauveteurs.
- Les éducateurs et sauveteurs, « MNS » formés par l’Etat ou les organismes de formations conventionnés,
- Les éducateurs et sauveteurs, « MNS « formés par l’université
- Les surveillants BNSSA, qui ne sont pas aux mêmes échelles de responsabilités.
Plus précisément, en 2018, dans le domaine des Etablissement Public de Baignade d’accès payant le sujet a bien évolué et les réformes de 2017 sont importantes. Il est donc nécessaire de rappeler les références règlementaires relatives aux obligations de surveillance et d’enseignement des activités aquatiques en R.R.P. piscine et les conditions d’accueil des publics :
Surveillance | Code du sport | D.322-11 à D.322-18 |
Code du sport | A.322-8 à D.322-11 | |
Circulaire | Circulaire N°6691 du 20 mai 1966 | |
Code civil | Article 1384 alinéa 5 modifié en octobre 2016 en article 1242 | |
Natation scolaire | Circulaire | Circulaire N°2017-127 du 22 aout 2017 |
Bébés nageurs | Circulaire | Circulaire Périllat du 3 juin 1975 |
ACM | Arrêté | Arrété du 25 avril 2012 |
Associations | Code de la consommation | Arrêté L. 221-1 |
Code civil | Article 1384 alinéa 1 & 5 | |
POSS | Code du sport | Article D322-16 |
POSS | Code du sport | A.322-12 à A322-17 |
Seules les formations suivantes donnent titre de Maître-Nageur Sauveteur en France. Cependant, les privatisations jouent souvent de ces qualifications et les usagers devenus clients ont en face d’eux des personnels ne maîtrisant pas toujours la coordination des missions de surveillance, d’animation, d’enseignement et d’entraînement. :
Diplômes à jour de recyclage annuel PSE1 ou 2 et quinquennal du CAEPMNS (révision) | Surveillance Gratuit Payant Scolaires | Animation | Enseignement | Entraînement |
Jeunesse et Sports | ||||
MNS | X | X | X | |
BESSAN | X | X | X | X |
BPJEPS AA | X (si CSSSMA) | X | X | |
BPJEPS AAN | X | X | X | |
DEJEPS AAN | X (si CSSSMA) | X | X | X |
DESJEPS AAN | X (si CSSSMA) | X | X | X |
Universitaire | ||||
DEUST Animation et Gestion des APS + UE SSA | X | X Sauf Handisport | X | |
Licence professionnelle Animation, Gestion des APS ou Culturelles | X | X | X | |
Licence STAPS Entraînement Sportif | X | X | X | X |
Les comparaisons des actions éducatives avec la fonction des BNSSA sont sans fondements. En effet, les durées des carrières, les références éducatives et d’encadrement, la connaissance des usagers et familles du territoire ont une importance majeur dans le choix des recrutements. De plus, le brevet de BNSSA n’apparait pas au Répertoire National des Certifications Professionnelles est n’est donc pas un métier.
La préfecture doit vérifier que le Brevet National de Sécurité et de Sauvetage Aquatique peut être amené à exercer une mission de surveillance dans un établissement d’accès payant : « Lors de l’accroissement saisonnier des risques, le préfet peut autoriser par arrêté du personnel titulaire du diplôme mentionné à l’article 2 du présent arrêté à surveiller un établissement de baignade d’accès payant ,lorsque l’exploitant de l’établissement concerné a préalablement démontré qu’il n’a pu recruter du personnel portant le titre de Maître-Nageur Sauveteur. Cette autorisation d’exercice dont les conditions de délivrance sont déterminées par arrêté est valable pour une durée limitée (art. 4-1, 4 mois) ». Il peut être associé à un MNS pour assister / renforcer les possibilités d’interventions sur des superficies importantes de bassins.
Assister / renforcer = Responsabilité :
C’est dire que le MNS dans ce cas de figure, dénommé en droit le « commettant », est celui qui fait appel aux services d’un autre, le « préposé » BNSSA.
La responsabilité des commettants (MNS) du fait de leurs préposés (BNSSA) est prévue à l’Article 1384 alinéa 5 modifié en octobre 2016 en article 1242. Les MNS peuvent donc être « responsables des dommages causés par leurs préposés même en l’absence de faute de leur part. » « Cette responsabilité se justifie par le lien de subordination qui unit le préposé au commettant qui l’a choisi pour exercer une activité pour son compte et à l’occasion de laquelle est survenu le dommage »
Pour la surveillance, le prestataire privé peut recruter des employés plus jeunes, moins diplômés et expérimentés en jouant sur ces éléments compliqués à percevoir sur le bord du bassin. La raison première est que cela coûtera moins cher. La qualité et la sécurité du service rendu par les éducateurs sportifs plus diplômés n’est pas mis en avant.
De même, l’ancienneté est un frein. Dans beaucoup de piscine en DSP, le « turn over » (changement de personnel) est important car les rémunérations plus faibles et les conditions de travail plus difficiles rebutent les salariés qui ne prennent ces emplois que temporairement. La piscine perd en compétences éducative et sécuritaire. En effet, le suivi des apprentissages (écoles, cours, relations, programmations…) et du Plan d’Organisation de la Surveillance et des Secours n’ont plus vraiment de continuité.
« Choisir sa tarification »
Le prestataire prend la gestion pour gagner de l’argent. Par rapport à la situation d’une piscine en régie, ou le coût est pris en charge par la collectivité, l’objectif n’est pas social, il est uniquement économique. Concrètement, les tarifs sont obligatoirement changés à la hausse. Le prestataire doit aussi optimiser la fréquentation de public payant le plein tarif.
La piscine de Dol, à gestion privée, à une part de public de 54%, la piscine de CCBR à une part du public à 31% (46% avec les cours). La piscine de Dol donne la priorité aux entrées publiques payantes, la piscine de Combourg a une fréquentation équilibrée donnant aussi des créneaux aux apprentissages et aux activités des associations.
La dimension « apprentissage » n’est pas « rentable » pour le délégataire. Les écoles représentent 38% des entrées à Combourg et les associations : 16%. Or ces deux utilisateurs payent des tarifs plus bas. Par exemple, à Combourg, les écoles payent 420 euros la session de 11 séances de 45mn. A Dol, elles payent 800 euros pour une session de 10 séances sur un créneau de 40 minutes. A Saint Brice en Coglès c’est 1 346 euros pour 11 séances de 45mn.
A Combourg l’entrée adulte est à 3,25 et pour un enfant à 2,45; à Dol, l’entrée adulte est à 5,60 (résident communauté) ou 6,20. Pour les enfants : 4,75 ou 5,55.
Le prestataire peut aussi multiplier les tarifs : à Dol, l’entrée pour la balnéo plus le bain est à 6,80. A St Grégoire, les prix sont de 5€ pour les enfants et 5,70€ pour les adultes … Malgré ces tarifs d’entrée conséquents, le prestataire perçoit une subvention de 900 000 euros chaque année !
Certes, il est évident que la piscine de Dolibulle offre des services différents, ce qui peut justifier une augmentation des tarifs. L’enjeu est alors de prendre une position claire : la piscine est-elle réservée à ceux qui peuvent payer ou doit-elle essayer d’accueillir le maximum de public ? Car la nouvelle piscine offrira aussi des services élargis.
Les partisans de la DSP ne manqueront pas de préciser que Dolibulle est excédentaire en 2017. Ce résultat s’explique aussi par un contexte particulier. Avec 139 385 entrées soit 50 000 de plus qu’à Combourg (piscine vieillisante), la piscine de Dol (plus récente) draine un large public, bien au-delà du pays de Dol. Jusqu’ici, Dolibulle (piscine de Dol) bénéficiait d’une situation de monopole : c’était la seule piscine de la région offrant du ludique ou du bien être … Or avec la nouvelle piscine de Combourg et celle (encore plus grande) de St Jouan des Guérets, trois piscines vont offrir les mêmes services5. Que se passera t-il pour la fréquentation de Dol ? De Combourg ? La concurrence va être rude ! Les piscines vont être obligées de bien penser leur politique tarifaire et leur politique commerciale.
« privilégier les activités les plus lucratives au détriment des apprentissages »
Le délégataire a tout intérêt à diminuer les créneaux des écoles et des associations qui payent des tarifs moins élevés car cela nécessite la fermeture de la piscine au public et aux cours, qui sont des activités plus lucratives. Or les créneaux scolaires représentent 31% du temps d’ouverture de la piscine de Combourg en période scolaire pour 20% d’ouverture au public. Les associations représentent 21% du temps. Chacun se rend bien compte que le gisement d’entrées est là : diminuer le scolaire et le temps associatif au profit du grand public et des cours (Les cours représentent 45% de la recette de Combourg, le public 25 %, les écoles 22% les associations 5% ). Toutes les piscines en DSP que nous avons contacté font la chasse aux créneaux « non rentables ». Dans certaines, les scolaires se voient privés de matériel voire de vestiaires !
3- Le coût et la perte de compétences
Dans le cas de la DSP, le délégataire s’assure contre les risques de gestion. La communauté de commune devra payer en cas de déficit. Contrairement à ce qui est annoncé pour le CT du 9 févier, c’est toujours de cette façon que l’équilibre financier se traduite. Ou en fin de DSP, la collectivité récupère les ruines de sa piscine.. Certaines subventions sont particulièrement élevées ( exemple 1,6 millions à Pontivy, 900 000 à St Grégoire).
Ces pratiques, courantes, seront évidemment dans le DSP de Combourg, on imagine mal un prestataire accepter les risques sans contre-partie.
Voici un exemple type de dérive de DSP :
« La chambre régionale des comptes s’est aussi penchée sur le cas du complexe aquatique de Saint-Quentin.
Six ans après son ouverture, la BUL n’est toujours pas rentable. L’agglomération, qui verse chaque année 800 000 € hors taxe au délégataire Vert Marine, avait déjà souligné quelques dysfonctionnements par la voix de son président Xavier Bertrand lors du conseil communautaire du 31mai. Une colère froide dont le président de la région des Hauts-de-France use pour rappeler que la BUL a coûté aux contribuables saint-quentinois, la bagatelle de 51 millions d’euros.
La chambre régionale des comptes s’est plongée à son tour dans les finances du complexe aquatique. Depuis 2012, la BUL affiche des résultats nets négatifs. Entre 2011 et 2014, les entrées à la piscine ont fortement diminué (de 600 000 à 555 000), la patinoire a aussi été boudée (-10 000 entrées) sur la même période, le restaurant (-3 000 couverts) et le bowling (- 26 000 entrées). Seule l’activité de remise en forme garde la tête hors de l’eau en gagnant 2 000 adhérents (de 21 000 à 23 000).
Les charges d’exploitations explosent
Des chiffres qui s’expliqueraient par la réforme des rythmes scolaires avait argué Vert Marine. L’effet de curiosité a fait long feu et ce qui avait conduit le président Xavier Bertrand à dire tout le bien qu’il pensait de la gestion de la BUL avant les vacances. En dénonçant « le maquis de tarifs », « des panneaux dégradés » dans les vestiaires de la piscine, il avait appelé les dirigeants de Vert Marine à se ressaisir. « Le total des produits d’exploitation, y compris cette fois la compensation de l’Agglomération, présente une évolution positive de 2,9 %, nettement inférieure à la croissance des charges d’exploitation de 11,8 % », écrit la cour des comptes dans son rapport. Autrement dit, la BUL coûte cher, le délégataire doit s’occuper de tout. C’était le deal signé entre les deux parties. Le contrat court jusqu’en 2020.
Des petits articles sur la gestion déléguée des équipements sportifs et loisirs par des sociétés privées. »
– http://m.courrier-picard.fr/region/les-charges-pesent-sur-la-bul-de-saint-quentin-ia195b0n886447
Quel est l’intérêt de privatiser s’il faut ensuite payer le déficit de gestion ?
La CCBR, en privatisant la piscine va perdre ses compétences en matière de gestion de la piscine. Les personnels vont perdre (immédiatement ou à terme : 3 à 5 ans sauf si renouvellement mais on comprendra que ce n’est pas l’intérêt du prestataire) leur emploi. En imaginant que la DSP soit de 10 ans (cas général) la CCBR ne pourra plus ou très difficilement et à un coût élevé, reprendre la main sur la piscine en ruine.
Il ne faudrait pas s’arrêter à un choix à court terme. Les élus devraient avoir le sens du long terme et, en l’espèce, cette perte de compétence est un élément important pour l’avenir de l’attractivité de la collectivité
Conclusion : un choix à courte vue
Augmentation prévisible des tarifs, moins de place à la fonction apprentissage, perte de compétences, subvention en cas de déficit… Autant de raisons pour des élus responsables de ne pas se lancer dans une démarche coûteuse sur les plans économique et social. Se débarrasser de la piscine sous prétexte d’économie budgétaire paraît aléatoire et contreproductif. La cours des comptes le signale régulièrement face aux dérives des Délégations de Service Public, Partenariat Public Privé, Régies à autonomie financière et Société Publique Locale. Les autoroutes sont dans ce cas depuis bien longtemps. Les collèges, hôpitaux, juridictions, infrastructures SNCF y passent au nom de la rentabilité. Nous transposons, par ces actes irresponsables, une situation financière sur le dos de nos enfants et petits enfants. Le personnel et les usagers ont des idées pour participer à l’amélioration des services rendus à la population. Écoutons-les pour exploiter le nouvel outil piscine intercommunal !
Trois piscines sont en phase de réalisation dans le nord ouest du département (Complexe aquatique de St Jouan des Guerêts, de Dol et de Combourg). Elles offriront les mêmes services (certaines en plus grand), elles seront en concurrence. Est-il raisonnable de se lancer dans ce cadre vers une privatisation qui risque d’être coûteuse ?
Ne faudrait-il pas, au contraire, garder une image de piscine ouverte à tous, apportant les avantages d’un personnel qualifié et constant ? Ne faudrait-il pas mieux jouer la carte de l’apprentissage, de l’associatif, du service à la population dans un cadre rénové, performant et attractif ? Tout en développant les animations aquatiques ?
Bref ne vaut-il pas mieux jouer le service au public plutôt que la politique commerciale clinquante mais réservée à ceux qui peuvent payer ?
Avant de décider les élus communautaires doivent réfléchir et consulter. Les maires, les élus des municipalités doivent prendre l’avis de la population et ne pas laisser décider, en cachette, de l’avenir des activités aquatiques dans le territoire communautaire.
Or le calendrier décidé par la présidence de la communautés de Communes laisse peu de temps… En quelques jours, le calendrier des bureaux ou des conseils communautaire ont été changés pour inscrire ce dossier de la DSP. Les maires, les élus communautaires ne doivent pas accepter cette précipitation sur un sujet grave et assurément très coûteux.
Les membres des associations, des usages, du personnel sont prêts à vous rencontrer et développer leurs arguments. Accueillez-les, réunissez vos conseils municipaux. Il faut que le débat ait lieu !