Alors que les personnels des maisons de retraite sont à nouveau appelés à la grève, deux députées proposent un big bang dans l’organisation et le financement des Ehpad. Mais les mesures les plus coûteuses risquent de ne jamais voir le jour…
A quelques heures d’un nouveau mouvement de grève dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), prévu ce jeudi 15 mars 2018, les annonces se multiplient. Et les différents, y compris au sein de la majorité, apparaissent.
Ce 14 mars, les députées Monique Iborra (LREM) et Caroline Fiat (FI) présentaient les conclusions de leur mission d’information sur les Ehpad. Elles y font 31 propositions qui risquent de faire grincer des dents, au gouvernement et dans les départements.
Doubler les personnels soignants
Première mesure : rendre obligatoire un nombre minimum de 60 personnels soignants (aides-soignants et infirmiers) pour 100 résidents. Actuellement, le ration n’est que de 24 pour 100 notent les députées. En doublant ainsi le nombre de paramédicaux, le taux d’encadrement global (incluant le personnel administratif, personnels de cuisine…) des personnes âgées se rapprocherait du 1 membre du personnel pour 1 résident réclamé par l’intersyndicale.
« Cela pose un problème de financement important, reconnaît Monique Iborra. Mais je crois que la situation est telle qu’il faut faire la proposition. » Doubler le nombre de soignants demanderait en effet un effort financier de 7 à 10 milliards d’euros par an.
Coût trop élevé
Un chiffre qui a tout de suite fait réagir le député de l’Isère et rapporteur du budget de la Sécurité sociale, Olivier Véran (LREM). La ministre des Solidarité et de la Santé a également rejeté l’idée du 1 pour 1. Lors des Assises des Ehpad, le 13 mars, Agnès Buzyn a ainsi déclaré, rapporte L’Opinion : « Ce taux que personne n’a jamais défini ni financé, la France n’a pas les moyens budgétaires de le garantir. »
Elle a également pointé le manque de personnel. Pour répondre à la proposition de Monique Iborra et Caroline Fiat, il faudrait recruter entre 200 000 et 220 000 aides-soignants et infirmiers. Des établissements ont pourtant déjà des postes vacants, faute de personnels formés.
Un faux problème pour Caroline Fiat qui rappelle qu’une formation d’aide-soignant ne dure que 10 mois. « Mais si les conditions de travail ne sont pas améliorées, il n’y aura personne pour faire la formation », souligne celle qui, avant d’être élue en 2017, était aide-soignante de nuit dans un Ehpad.
La tarification toujours en question
Même sans aller jusqu’à ces 220 000 recrutements, Monique Iborra souhaite que les postes paramédicaux soient désormais privilégiés. « Il faut que les ARS pour le forfait soin mais aussi les départements sur le forfait dépendance soient attentif à ce que les fonds servent à des embauches », explique-t-elle.
ARS et conseils départementaux financent en effet les établissements. La tarification a été revue par la loi d’Adaptation de la société au vieillissement et depuis sa mise en place, fin 2016, a créé de fortes tensions entre les gagnants et les perdants de la réforme.
Lors des Assises des Ehpad, Agnès Buzyn a reconnu qu’entre 20 et 25% des établissements perdaient en financement sur le forfait dépendance, géré par les départements. Ces baisses seront compensées, a-t-elle affirmé. Pierre Ricordeau, membre de l’Igas, a été nommé médiateur sur cette question et doit lui faire prochainement des propositions dans ce sens.
Quel rôle pour les départements ?
Mais pour Monique Iborra, comme d’après le rapport du sénateur (LR) Bernard Bonne publié le 7 mars dernier, il faut aller plus loin et revoir le volet dépendance de la réforme… Et donc le financement départemental.
« Cette réforme ne correspond pas à ce qu’on pouvait attendre d’elle », souligne la députée qui demande une « suspension du décret » en attendant les propositions de Pierre Ricardeau. Alors que la réforme devait réduire les inégalités entre les personnes âgées, le forfait dépendance, calculé sur la base d’un “point Gir départemental” les augmente déplore encore la parlementaire. « Selon le département, deux personnes avec le même niveau de dépendance ne seront pas prises en charge de la même façon » souligne-t-elle.
Alors que l’Assemblée des départements de France négocie en ce moment avec Matignon l’avenir du financement des allocations individuelles de solidarité, parmi lesquelles l’allocation personnalisée d’autonomie en établissement dont il est ici question, son directeur général, Pierre Monzani, répond : « On ne peut pas reprocher aux départements de gérer des situations selon les moyens qui sont les leurs et qui aboutissent aux situations contrastées que nous constatons. »
« Il faut choisir entre la centralisation ou la décentralisation », convient Monique Iborra. L’une des propositions phares des députées recommande d’ailleurs d’ »engager une réflexion pour identifier l’acteur le plus pertinent pour conduire effectivement la politique de la perte d’autonomie au niveau local ».
Leur retirer l’aide sociale
Les députées veulent également chambouler de fond en comble l’aide sociale à l’hébergement (ASH). Cette aide permet à une personne âgée n’ayant pas assez de ressources de payer le reste à charge de son entrée en Ehpad. Pour accueillir ces personnes, les établissements doivent être habilités par le conseil départemental. « Il y a actuellement une tendance des départements à ne plus habiliter l’ASH », souligne Monique Iborra qui dénonce le fonctionnement de l’aide.
Les départements commencent en effet par se tourner vers la famille de la personne âgée, à savoir souvent ses enfants voire même ses petits-enfants, au titre de l’obligation alimentaire, et, au décès de la personne âgée, peuvent se rembourser sur la succession. « Les associations nous ont dit que les personnes ne demandent pas l’ASH car ils ne veulent pas mettre leur famille en difficulté », raconte Monique Iborra.
Les députées demandent donc une réforme qui supprimerait la mise en jeu de l’obligation alimentaire et modifierait les principes de récupérations. « Il est impératif que les gens qui ont besoin de l’ASH l’obtiennent », soutient Monique Iborra.
Les départements seraient alors aussi libéres de l’ASH qui serait confié aux caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat).