Nombreuses sont les questions qui nous sont posées concernant la retenue à la source de l’impôt sur le revenu. Nous en avons retenu 10 pour vous expliquer ce mode de paiement de l’impôt qui va vous faire grincer les dents….
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Avec le prélèvement à la source, ça sera vraiment plus simple ?
Aujourd’hui, chacun déclare ses revenus lorsqu’il a connaissance de ce qu’il a gagné. Les services fiscaux calculent ensuite l’impôt à payer sur les revenus déclarés puis envoient un avis d’imposition avec le montant de l’impôt à régler.
Avec le nouveau système, au 1er janvier 2018, l’impôt pour un salarié sera directement prélevé par son employeur sur son salaire. Cela ne l’empêchera pourtant pas d’avoir à déclarer ses revenus de 2018 en avril 2019, soit plus d’un an après le
prélèvement de l’impôt. Il recevra toujours un avis d’imposition à l’été 2019 pour les revenus de 2018. Il sera alors amené à être remboursé
de ce qu’il a payé en trop ou à verser l’impôt qu’il lui reste à payer. Les services fiscaux devront alors reprendre contact avec les employeurs pour leur transmettre les nouveaux taux d’imposition à appliquer sur les salaires de la fin d’année de 2019.
Est-ce que le montant d’impôt prélevé sera exact ?
Comme on l’a vu précédemment nous serons prélevés sur des revenus avant même d’avoir
déposé la déclaration d’impôt.
Donc, le taux d’imposition réel à appliquer ne pourra être connu. En effet au 31 janvier 2018, impossible
de deviner ce que sera le montant de nos revenus de l’ensemble de l’année, impossible de prévoir une dépense en avril permettant une réduction d’impôt ou encore impossible de prévoir une naissance au mois de novembre 2018. Pourtant, tous ces éléments de la vie courante modifient le taux d’imposition à appliquer. Le prélèvement ne sera donc qu’une estimation basée sur les éléments
de l’année précédente. Pour les crédits d’impôt, par exemple, il faudra parfois attendre plus d’un an pour être remboursé. Et, d’autres éléments devront amener les contribuables à faire tout au long de l’année des déclarations de changement de situation aux services fiscaux, qui devront alors recalculer l’impôt et alerter les entreprises. Ces dernières devront intégrer les changements sur les futures fiches de paies de leurs salariés. Malgré tout, il faudra l’année suivante faire un bilan général de ce qui a été payé par rapport à ce que l’on doit finalement.
Il pourra arriver de payer de l’impôt tout en n’étant pas imposable ?
Un exemple parmi tant d’autres.
Une étudiante terminant ses études trouve un CDD de 3 mois rémunéré 2000 € par mois. Elle ne percevra pas d’autres revenus durant l’année. Dans le système actuel elle n’aurait pas payé d’impôt. Avec le prélèvement à la source, elle aura une retenue mensuelle de 150 €. Elle payera donc un total de 450 € d’impôt
sur la période alors même qu’elle n’est pas imposable. Pire encore, elle devra attendre le dépôt de sa déclaration l’année suivante et la
rectification qui en suivra pour se faire rembourser.
La confidentialité sera-t-elle convenablement assurée ?
Dans le système actuel, l’administration garantit la plus stricte confidentialité des données personnelles que vous livrez dans votre déclaration de revenus. Les agents des services fiscaux sont évidemment soumis au secret professionnel. Par contre, il est évident que les taux d’imposition qui seront transmis aux employeurs donneront des indications sur la vie privée du salarié et de son niveau de revenu. Cela pourra peser lourd dans le cadre des négociations salariales. Le salarié pourra toutefois opter, à sa demande, pour l’application d’un taux d’imposition dit « neutre ». Loin d’être neutre, cette demande indiquera à son employeur que ce salarié a des revenus complémentaires qu’il
tente de lui dissimuler.
Cela fera-t-il rentrer plus d’argent dans les caisses de l’État ?
Aujourd’hui, le taux de recouvrement de l’impôt sur le revenu s’élève environ à 98 %. En faisant transiter la perception de l’impôt par des organismes tiers (entreprises par exemple), il y aura
forcément des déperditions. Les impôts prélevés sur les salaires dans une entreprise qui fait faillite pourraient ainsi disparaitre. D’autres pourront être tentées de frauder et de se garder une part du gâteau comme c’est déjà le cas pour la TVA qui transite par les entreprises (fraude estimée à 32 milliards d’euros).
Les agents des finances publiques auront-ils moins de travail ?
A première vue, un prélèvement automatique réalisé par un tiers c’est moins de travail pour les
services fiscaux. En réalité, il n’en sera rien ! Tout d’abord, la mise en place du prélèvement à la
source va demander un important travail d’explication d’un système trop complexe. De plus, tous les changements de situation des contribuables impliqueront de nombreux recalculs des taux d’impositions mais aussi du travail
supplémentaire pour contrôler et recouvrer l’impôt sur le revenu qui sera encaissé par les entreprises. De nombreux recoupements seront aussi nécessaires entre les différents collecteurs de l’impôt (employeur, service de pension, banques…, et les impôts payés directement dans les services fiscaux). Tout cela, alors même que 30 000 emplois ont été supprimés à Bercy en 10 ans. Cette réforme va être un véritable enfer pour les agents mais aussi pour les contribuables qui devront attendre l’application des rectifications, attendre des remboursements et
attendre encore dans les longues files qui ne manqueront pas de se former aux guichets des centres des finances publiques.
Donc, je ne payerai pas d’impôt sur le revenu en 2017 ?
En 2017, nous allons payer nos impôts sur les revenus de 2016.
En revanche, en 2018, nous serons prélevés sur nos revenus de 2018.
Et, si en 2017 vous avez des revenus exceptionnels, ils seront également taxés. Le prélèvement à la source n’est donc en rien un cadeau fiscal.
Le prélèvement à la source cache-t-il d’autres réformes fiscales en préparation ?
Cela peut être le premier pas vers la fusion entre la CSG et l’impôt sur le revenu. Si cela peut sembler être une simplification, une telle fusion ferait courir un risque important concernant le financement de la protection sociale. Cela pourrait aussi augurer de l’instauration d’une « flat tax » c’est à dire un
impôt à un taux unique sur les revenus. Le résultat serait une hausse importante de l’impôt pour les plus pauvres et à l’inverse une sacrée baisse pour les plus riches.
L’impôt à la source existe dans d’autres pays, c’est plus compliqué en France ?
Beaucoup de pays ont un système fiscal très différent du nôtre et aussi souvent moins juste et plus pénalisant. Le fait de prendre en compte les revenus de l’ensemble de la famille (notion de foyer fiscal) pour le calcul de l’impôt et d’avoir un impôt progressif (le taux d’imposition augmente avec les revenus) rendent impossible une mise en place efficace d’un prélèvement à la source. Le prélèvement à la source n’amènera
aucune simplification. Au contraire, il sera une usine à gaz à gérer pour les entreprises, les contribuables et les services fiscaux. Abandonnons
donc cette fausse réforme. En revanche, nous avons besoin d’une véritable réforme de l’impôt afin de le rendre plus juste et plus efficace pour promouvoir l’emploi, les salaires, l’environnement et financer les services publics dont nous avons besoin. L’impôt doit également être un outil au service d’une meilleure répartition des richesses.
La retenue à la source est-elle une réforme de la fiscalité ?
En réalité le prélèvement à la source n’est qu’un mode de paiement. Ce n’est pas une réforme
du système fiscal. A partir de janvier 2018, avec la mise en place du prélèvement à la source, vous ne payerez ni plus, ni moins d’impôt sur le revenu. Pourtant le système fiscal français a réellement besoin d’être réformé.
Tout d’abord c’est un système injuste car contrairement à ce que prévoit l’article 13 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, les français ne contribuent pas réellement à l’impôt en fonction de leurs moyens. Au contraire, proportionnellement les plus hauts revenus payent moins d’impôt, que les revenus moyens ou même les plus modestes. En effet ces derniers sont davantage mis à contribution par le biais de taxes indirectes, invisibles mais pas indolores, comme la TVA par exemple. Ensuite c’est un système fiscal complètement inefficace, la cour des comptes a estimé le montant des niches fiscales à 150 milliards d’euros quand le déficit public s’élève à 76 milliards. Pourtant en règle générale, elles ne démontrent aucun intérêt économique, social, ou environnemental. Toutes ces mesures profitent en premier
lieu aux plus puissants qui vampirisent les richesses de l’État.
De plus, cela a rendu le système fiscal extrêmement complexe. La multiplication des taxes en tout genre et l’empilement des dérogations fait que personne ne sait plus vraiment ce qu’il paye comme impôt. Et, tout le monde a le sentiment de payer pour les autres. Pourtant, l’impôt est une grande richesse. Il permet de réduire les inégalités et nous offre tous les services publics dont nous avons besoin !
Il est urgent de rendre le système fiscal plus transparent, plus lisible, plus juste et plus efficace !
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