Avec une activité de service public et un actionnaire à 70% public par le biais de la SNCF, Keolis devrait avoir pour seul objectif la qualité des prestations rendues aux usagers. Mais ce groupe est atteint par la maladie du siècle, l’obsession du profit, et s’ingénie à le masquer à l’aide de manœuvres financières bien trompeuses.
La course effrénée à la rentabilité !
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Une situation dominante: Obtenue par l’importance du chiffre d’affaires : 5,4 milliards €, dont 52% en France et 48% à l’international dans 15 pays. Caractérisée par un nombre élevé de salariés : un effectif de 61 012 salariés, dont 58% en France et 42% à l’international. Liée à la quantité et à la diversité des réseaux gérés, bus, tramway métro, trains, vélos en France et à l’étranger.
Un développement à l’international: Pour la seule année 2017, l’ouverture de nouveaux réseaux s’est réalisée principalement à l’étranger, au Royaume Uni, au Danemark, en Allemagne, au Pays Bas, aux USA, en Australie, en Inde, au Qatar et en Chine.
Une activité aux frais de la collectivité: En France, l’activité de transport urbain ou interurbain est exercée le plus souvent en délégation des collectivités locales : les 2/3 du chiffre d’affaires proviennent des subventions des collectivités et 1/3 des ventes aux usagers. Les ressources des collectivités proviennent du versement transport, taxe payée par les entreprises. Dans la plupart des conventions de délégation de service public, c’est la collectivité locale qui supporte et finance les investissements, bus, tram, aménagement …Keolis n’assure que la gestion, limitant ainsi le montant des capitaux à investir
La recherche de l’optimisation du profit : Il suffit, pour s’en convaincre, de lire le communiqué de presse de mars 2018, annonçant les premiers résultats 2017 :
«. Le chiffre d’affaires a augmenté de 6,4% pour atteindre 5,4 milliard d’euros. Cette forte croissance du chiffre d’affaires s’accompagne d’une bonne amélioration de la rentabilité (EBITDA récurrent) qui progresse de 313M€ à 342M€, soit +9,4% entre 2016 et 2017. Le résultat net part du Groupe s’élève à 51M€, en hausse de +13%par rapport à 2016. • 2017 est une année très réussie qui nous encourage à tenir le cap engagé (M€ : million€) La forte pression sur le personnel: Deux leviers sont utilisés pour peser sur les frais de personnel : freiner la hausse des effectifs, limiter les augmentations de rémunération. En 2017, pour une progression de 5,5% du chiffre d’affaires, le niveau des effectifs, facteur clé de la création de richesse dans une entreprise de transport, n’a augmenté que de 4,4%. Quant à la rémunération moyenne, c’est une véritable stagnation avec une hausse de 0,3%, inférieure au niveau de l’inflation. Mais cette austérité ne concerne pas les 1 511 salariés (87% de cadres) de Keolis SA, qui ont bénéficié d’une augmentation moyenne de 4,3%. Quant aux 9 plus hauts dirigeants, ils se sont octroyé une hausse de 17%. Les rémunérations et autres avantages à court terme de ces dirigeants se sont élevés à 4,8 M€ pour 9 personnes en 2017 contre 4,1 M€ pour 9 personnes en 2016. » (Document de référence 2017) La manipulation des comptes des filiales: Afin de limiter les revendications du personnel et exercer un chantage aux collectivités, les dirigeants de Keolis formatent les résultats en fonction du contexte local.
Les moyens mis en oeuvre:
Une structure pyramidale: Les filiales de production appartiennent à Keolis SA, qui appartient à Groupe Keolis SAS, qui appartient à deux actionnaires SNCF pour 70% et la Caisse de Dépôt et Placement du Québec pour 30% (fonds d’investissement canadien) Keolis SA assure le management des filiales avec un effectif de 1 511 salariés, à 87% des cadres. Des canaux de transferts des marges: Les transferts de ressources des filiales vers la maison mère empruntent des voies détournées, multiples et parfois opaques. Une voie transparente, par le versement de dividendes: Elle est peu utilisée chez Keolis car cela suppose l’affichage de bénéfices. Sur les quelques 150 filiales françaises, une seule, la compagnie des transports collectifs de l’ouest parisien, a versé des dividendes à Keolis SA en 2017. Deux voies masquées: La mise en place de système de facturation de services en tout genre, sert le plus souvent à faire disparaître les marges des filiales de production. Cela peut s’effectuer par des transferts directs à Keolis SA ou indirectement par l’intermédiaire de filiales prestataires de services.
Le principe du prélèvement à la source dénommé « bénéfice transféré », permet à la Holding de s’accaparer très discrètement de l’excédent d’exploitation, véritable hold-up des résultats des filiales de production. Cette pratique peu usitée est justifiée de manière surprenante : la maison mère signe les contrats de délégation avec la collectivité, ce qui lui donnerait un droit de propriété sur le résultat d’exploitation dégagé par le travail des salariés de la filiale.
Une utilisation très lucrative de la trésorerie des filiales: L’activité de transport génère une trésorerie abondante, avance des usagers et de la collectivité et délais de paiement des fournisseurs et des organismes sociaux. Keolis SA emprunte cette trésorerie à ses filiales sans leur verser d’intérêt mais quand, à son tour, elle effectue des prêts ou des placements, c’est en facturant des intérêts.
La preuve par l’exemple.
Nous avons analysé les 4 contrats renouvelés en 2017 en France, Lille, Caen, Amiens, Rennes, considérant que leur rentabilité devait être assurée, sinon Keolis n’aurait pas posé sa candidature au renouvellement.
Keolis Lille : une caricature de l’opacité. Depuis une vingtaine d’années, Keolis gère les transports de l’agglomération lilloise. 2005/2011 : Excédent d’exploitation transféré: Durant cette période, les résultats d’exploitation sont constamment positifs, autour de 3 millions € et sont prélevés par le canal du « bénéfice transféré ». 2012 : Résultat d’exploitation quasiment nul. 2013/2017 : Déficits d’exploitation: Durant cette période, les déficits d’exploitation sont abyssaux avec des pertes de 10 millions € annuel. Analyse de cette évolution à partir de la comparaison des données 2011 et 2017: Chiffre d’affaires : + 68 millions € (+ 27%) Frais de personnel : +8 millions € (+ 6%) Autres achats et services : + 53 millions € (+ 57%).
Cette hausse considérable de ce poste de charges pourrait provenir de (sur) facturations effectuées par le Groupe. On peut en faire légitimement l’hypothèse, puisque Keolis a présenté sa candidature au renouvellement et se félicite dans son document de référence 2017 d’avoir été ’heureux élu. Aucun groupe, encore moins avec un actionnaire, fonds de pension canadien, ne pourrait se réjouir de supporter des déficits aussi importants.
Keolis Caen : une caricature du double pompage. Prélèvement du résultat d’exploitation: Entre 2013 et 2017, le résultat d’exploitation constamment positif, compris entre 1 et 2 million € est automatiquement prélevé à la source par le Groupe, faisant apparaître un résultat final très faible. Prêt de trésorerie sans intérêt: Keolis Caen prête de manière permanente une somme variant autour de 8 millions € à Keolis SA, et ceci sans facturer le moindre intérêt. Ce double pompage s’effectue au détriment de la collectivité qui subventionne les investissements et le fonctionnement et au détriment du personnel qui se voit opposer l’absence de marges de manoeuvre dans les négociations. Keolis Rennes : une caricature de prêt sans intérêt. Depuis 2013, le résultat d’exploitation est toujours déficitaire, une situation probablement lié à des surfacturations de services. Le Groupe compense une petite partie de la perte. Mais la spécificité de Rennes est l’importance des prêts sans intérêt : entre 2013 et 2017, les prêts au Groupe ont pu atteindre des sommes faramineuses comme en 2015, avec 27 millions €. Pour accorder un tel niveau de prêt, Keolis Rennes, utilise les avances de la collectivité, des usagers, les dettes fournisseurs et dettes fiscales et sociales.
Keolis Amiens : une deuxième caricature du double pompage. Entrée dans le groupe Keolis en 2012, Keolis Amiens présente, de 2013 à 2017, les mêmes caractéristiques que celles de Caen. Le résultat d’exploitation variant entre 0,2 et 1, million €, est systématiquement prélevé par le canal « bénéfice transféré ». La trésorerie de la filiale fait l’objet de prêt sans intérêt, d’un montant quasi permanent de 8 millions €.
Ces 4 cas ne sont pas isolés, et révèlent la stratégie du groupe Keolis, qui cherchent à faire disparaître les véritables résultats des filiales de production, afin de maintenir une pression permanente sur les collectivités locales et sur le personnel et au détriment du service public.