Lettre ouverte à la mairie de Rennes de demande de réquisition d’appartements – sept 2019

Vers la version PDF de la lettre ouverte : ici

DEMANDE DE RÉQUISITION DE BÂTIMENTS ET D’OUVERTURE D’ÉTATS GÉNÉRAUX DU LOGEMENT FACE A LA CRISE MAJEURE DE HÉBERGEMENT DES PERSONNES EXILÉES A RENNES

La situation :

Cet été, la préfecture de Rennes a interdit au 115 d’accueillir les demandeurs d’asile !

Parallèlement :
– La multiplication du nombre de demandeurs d’asile placés sous procédure Dublin place des milliers de personnes et de familles dans la plus grande précarité, avant de pouvoir accéder à leurs droits
– Les demandeurs d’asile célibataires ont aujourd’hui très peu de chances d’accéder à un hébergement pendant la procédure d’examen de leur demande d’asile, contrairement aux textes qui fixent clairement cette obligation (et contrairement à ce qu’a déclaré Mme la Préfète dans la presse !).
– L’État méconnaît délibérément l’article Article L345-2-2 du code de l ‘action sociale et des familles qui stipule que toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale doit avoir accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence.
– En imposant sans cesse de nouvelles conditions pour remettre enfin un titre de séjour aux personnes et familles présentes depuis longtemps sur le territoire et présentant toutes les preuves d’une bonne intégration à la société française, l’État les maintient dans l’illégalité et la précarité et laisse ces personnes peser sur la solidarité nationale alors qu’elles seraient prêtes à s’assumer par leur travail et à contribuer à la vie économique française.

L’État semble vouloir utiliser cette précarisation des personnes exilées, et particulièrement ces difficultés d’hébergement, pour décourager les candidats à une venue en France et encourager les personnes déjà présentes à repartir dans leur pays. Mais force est de constater que cette politique ne fonctionne pas, ne réussissant qu’à laisser la misère progresser en France, avec les risques qu’elle crée pour les personnes concernées, mais aussi pour toute la société française.

Résultat de l’incurie de l’État et de la politique de la préfecture de Rennes

Le résultat est que la situation n’a cessé de se dégrader, pour arriver cet été à une situation inédite à Rennes :
– Plus de 300 personnes survivent dans la plus grande précarité dans un campement insalubre au parc des Gayeulles. Parmi elles, des personnes très malades dont la présence au campement est une véritable honte.

L’attitude de la mairie de Rennes

Loin de demander leur expulsion, la mairie a apporté son aide matérielle pour gérer le camp.

Depuis 2014, la mairie de Rennes, s’est lancée dans une politique volontariste d’hébergement des familles avec enfants laissées sans solution par le 115. Ce qui abouti aujourd’hui à ce que,  chaque soir, 630 personnes soient hébergées par la mairie dans des hôtels, biens communaux ou bâtiments sous convention avec des associations.

Ceci représente un coût de 1 million d’euros pour la mairie en 2018 ( chiffres donnés lors du conseil municipal du 16 septembre) Tout ceci alors que l’hébergement d’urgence n’est pas une compétence des municipalités.

Les associations, conscientes des efforts fournis, et conscientes que peu de villes en France soient engagées dans la même démarche, s’en félicitent. Cependant, malgré les efforts que la mairie déclare déployer pour trouver de nouveaux lieux d’accueil, en plus du campement des Gayeulles environ 150 personnes vivent toujours dans un gymnase et dans un centre de loisir, dans des conditions précaires, depuis juillet.

Des conditions de vie indignes

Des citoyens et citoyennes, constatant cette situation, ont décidé d’ouvrir un lieu pour accueillir les personnes voulant quitter les Gayeulles. Mais il s’agit d’un bâtiment industriel peu adapté à la mise à l’abri de personnes et, même si sa superficie permettrait d’y accueillir de très nombreuses personnes, les conditions matérielles et de dignité n’y sont pas réunies .

Que ce soit au campement, ou dans le nouveau lieu ouvert, les conditions de précarité, le manque criant d’intimité et l’hiver qui arrive font craindre l’émergence de tensions ingérables par des bénévoles non formés à gérer de tels lieux et de telles situations. Il en est de même pour l’hébergement des familles dans le gymnase.

De plus, la terreur engendrée par l’opération policière de la semaine dernière crée d’innombrables rumeurs totalement déstabilisatrices pour tous.

Devra-t-on accepter de voir errer ces personnes, ces familles dans Rennes, dans des squats misérables ou sur les trottoirs, avec toute la violence que cela induira ?

La responsabilité de l’État quant à cette situation est indéniable. Mais aujourd’hui, dénoncer l’incurie de l’État ne suffit plus : il va falloir trouver des solutions. Les associations n’y parviendront pas seules.

Quelles solutions ?

L’urgence d’une mise à l’abri digne

On ne peut raisonnablement envisager de laisser tous les habitants du campement des Gayeulles passer l’hiver dans ces conditions. Même si , du fait du temps exceptionnel beau, le cadre peut encore sembler quelque peu bucolique en ce mois de septembre, on sait que dans quelques jours, quelques semaines, ce sera l’horreur :

Rennes deviendra-t-elle une jungle en modèle réduit ?

Parallèlement, de nombreux bâtiments et logements vides existent sur la métropole et la loi octroie un droit de réquisition aux maires : les associations vous demandent donc instamment de l’utiliser pour mettre les gens à l’abri.

Nécessité de coordination départementale

Mais, au-delà de la nécessité d’actions immédiates, une des solutions pour réduire la pression sur Rennes serait d’élargir le périmètre dans le quel peuvent vivre les exilés.

Il y a des communes, parfois loin de Rennes, qui seraient prêtes à accueillir des migrants. Mais comment faire alors que les rendez-vous administratifs ( préfecture, Coallia, ), les rendez-vous médicaux ( hôpitaux, maternités…), les lieux tels que le Secours populaire (pour l’aide à la nourriture), etc sont majoritairement situés à Rennes et que le coût des transports hors Rennes métropole est incompatible avec la précarité financière de ces personnes ?

Aujourd’hui, faute d’une coordination départementale et d’une gratuité des transports pour tous les précaires, ces nombreuses propositions d’hébergement ne peuvent être acceptées. Recenser les communes susceptibles d’accueillir et travailler à obtenir la gratuité des transports dans tout le département pour tous les précaires, français et étrangers, comme elle existe déjà dans Rennes métropole, sont deux actions urgentes à mener parallèlement.

Les associations rennaises et les associations existant déjà dans le département sont prêtes à se lancer dans cette démarche et un certain nombre de mairies aussi, nous en connaissons.
Il existe un manifeste des villes solidaires (dit « manifeste de Strasbourg ») : il n’est pas suffisant d’en vanter le contenu, il faut désormais le signer, le faire signer et le mettre en application. La mairie de Rennes pourrait jouer un rôle moteur irremplaçable en initiant des États-Généraux du Logement réunissant communes solidaires, associations, professionnels : cela pourrait aboutir à de nouvelles solutions rapidement.

Le collectif inter-organisations de soutien aux personnes exilées

Texte envoyé à la mairie de Rennes, à la presse, aux mairies solidaires déjà connues, aux associations de soutien
aux exilés dans les autres communes du département, au conseil départemental d’Ille-et-Vilaine.

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