Déconnexion en vacances : six mois après la loi, un bilan mitigé.

Publié le 20 juillet 2017 à 12h31

Près de huit cadres sur dix (78%) consultent leurs communications professionnelles (e-mails, sms, appels…) pendant leurs week-ends ou leurs vacances (Yan Lerval/SIPA)

D’après un sondage Ifop, 78% des cadres avouent consulter leurs messages professionnels pendant leur temps de repos.

Six mois après l’entrée en vigueur du droit à la déconnexion au travail, cette mesure de la loi El Khomri semble connaître un succès en demi-teinte. E-mails, SMS, appels… Même en vacances, pas de répit pour les accros au boulot.

Selon une étude réalisée par Ifop, près de huit cadres sur dix (soit 78%) n’arrivent pas à lâcher prise avec leur travail lors de leur temps de repos. En effet, plus de la moitié des personnes interrogées par l’institut de sondage affirment consulter leurs messages professionnels pendant leurs congés ou leurs week-ends. Elles voient également dans cette possibilité « un facteur de stress supplémentaire ».

Les professions libérales les plus concernées

Dans le détail de ce sondage, 37% des personnes interrogées assurent consulter ces communications « souvent », et 41% « de temps en temps » (les 22% restants déclarant ne « jamais » le faire).

Vous trouverez plus de statistiques sur Statista

Les professions libérales sont celles qui consultent le plus (89%) devant les cadres de la fonction publique (80%) et les cadres d’entreprises (76%). La majorité (51%) des cadres consultant leurs communications professionnelles pendant leur temps de repos disent le faire d’abord pour s’assurer « qu’il n’y a pas de problème » en leur absence, 31% agissant ainsi avant tout pour ne pas être « débordé » à leur retour, 11% « pour ne pas manquer d’éventuelles opportunités liées » à leur travail.
« Droit à la déconnexion » : vrai enjeu, fausses bonnes solutions

Seuls 21% des entreprises « déconnectent » 

Le droit à la déconnexion, une des mesures de la loi travail El Khomri, est entrée en vigueur en janvier. Selon l’article 55 de cette loi, les entreprises de 50 salariés et plus ont :

« Le devoir de mettre en place des instruments de régulation de l’outil numérique. Ces mesures viseront à assurer le respect des temps de repos et de congés ainsi que l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale. »

Autrement dit, le salarié a le droit de ne pas pouvoir répondre à des courriels, SMS ou appels hors temps de travail. En retour, l’entreprise a le devoir de garantir à ses employés cette déconnexion virtuelle.

Sauf que, à peine six mois après la mise en application de cette réglementation, qui avait à l’époque fait l’unanimité, la réalité sur le terrain est toute autre.

Selon ce sondage Ifop pour Securex, cabinet prestataire en ressources humaines, un peu plus de la moitié des sondés (52%) affirment que leur entreprise ne s’est pas « engagée dans l’application » de ce droit. Seuls 21% d’entre elles déclarent en revanche avoir déjà mis en place des mesures concrètes.

Quels garde-fous pour ce droit virtuel ?

Si en théorie, la déconnexion est devenue un droit pour les salariés, leur garantissant certaines dispositions favorables, en pratique, faute de sanctions et face à la difficulté de délimiter « temps de travail » et « temps de repos », il paraît difficile pour les entreprises de garantir pour tous le respect de cette disposition.

A l’heure de l’hyperconnectivité où il est possible de travailler à n’importe quelle heure et de n’importe où, comment en effet réussir à comptabiliser les heures de travail de tout le monde ?

Une interrogation que s’était déjà posée l’Ugict-CGT et Sylvain Niel, avocat du travail au cabinet Fidal, en janvier.

D’autant plus que, pour rendre la déconnexion au travail effective dans une entreprise, il suffit que l’employeur signe une charte définissant ses conditions d’application.

Travailler dans des délais plus courts ? 

Dans une société du tout connecté où la perméabilité entre vies professionnelle et privée est de plus en plus brouillée, ce droit virtuel n’éluderait pas la question de la charge de travail. Au contraire, selon Sylvain Niel, elle ne ferait :

« Qu’accroître le stress des salariés au détriment de leur santé, les obligeant à réaliser leurs tâches dans des délais plus courts. »

Six mois après la – prétendue – mise en application de ce droit à la déconnexion, selon Ifop, 57% des personnes sondées pensent que « la qualité de vie au travail ou le mieux-vivre au travail » ne sont pas « correctement pris en compte par les entreprises ».

Camille Gillet 

Etude réalisée en ligne du 7 au 10 juillet auprès d’un échantillon de 1.002 personnes (méthode des quotas) représentatives de la population cadres en activité.

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