Relations sociales dans la fonction publique
« Le dialogue social a des bienfaits », Johan Theuret, président de l’ADRHGCT
Publié le 05/07/2017 • Par Bénédicte Rallu • Gazette des communes
Le dialogue social sera le thème de la journée d’étude de l’Association des DRH des grandes collectivités du 7 juillet. Un sujet d’actualité cuisant eu égard aux débats qui se préparent entre le gouvernement et les organisations syndicales sur la fonction publique, en particulier sur les effectifs. Le président de l’association, Johan Theuret, réexplique la définition d’un bon dialogue social et pourquoi un tel processus est indispensable. Il réagit également à l’annonce unilatérale du gel du point d’indice.
Le président de l’association, Johan Theuret, réexplique la définition d’un bon dialogue social et pourquoi un tel processus est indispensable. Il réagit également à l’annonce unilatérale du gel du point d’indice.
Pourquoi avoir choisi le thème du dialogue social pour votre journée d’étude du 7 juillet ?
Nous voulons sensibiliser les DRH à l’état du dialogue social dans leur collectivité, afin de prendre de la hauteur. Il y a une nouvelle forme de dialogue social aujourd’hui, de nouveaux outils. L’autre finalité sera de pouvoir échanger librement avec les organisations syndicales (OS) qui seront présentes afin de faire passer des messages tout en sortant du jeu d’acteur qui a cours habituellement. Nous sommes pour le dialogue social. Mais souvent, en collectivité, au niveau local, il y a les postures des uns et des autres. Qui plus est, il n’y a pas toujours la volonté des élus d’associer les organisations syndicales.
Que manque-t-il aujourd’hui pour avoir un échange social de qualité ?
Il faut former et informer sur le dialoguer social. Explorer de nouvelles pistes doit aussi être au programme. Le dialogue social ne se réalise plus seulement à travers la vie des instances : commissions administratives paritaires (CAP), comités techniques (CT). Cela n’est plus suffisant. Le dialogue social peut vivre aussi à travers les nouvelles technologies, les groupes de travail, l’association plus directe des agents. Il ne faut pas oublier aussi que la représentativité des organisations syndicales baisse depuis plusieurs élections.
Quelles sont les pistes pour renouveler le dialogue social ?
Il faut d’abord relégitimer ses vertus, surtout dans le contexte actuel du « fonctionnaire bashing » et des attaques contre la fonction publique. Le dialogue social a des bienfaits. C’est le B-A BA, mais il est important de le rappeler. Il ne faut pas le réduire à de la concertation [via les instances paritaires], à l’envoi des documents au bon moment.
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Une autre piste de réflexion porte sur la manière dont on peut travailler avec les organisations syndicales : nous devons les sensibiliser le plus possible à la stratégie, non pas de la gouvernance, mais pour arriver à les responsabiliser par exemple sur la raréfaction des ressources financières, à la maîtrise de la masse salariale qui ont des traductions concrètes en termes de ressources humaines. Il existe une différence de perception des enjeux par les organisations syndicales au niveau national et au niveau local. L’enjeu est d’arriver à sensibiliser les OS aussi au niveau local pour qu’elles ne soient pas dans des postures idéologiques.
Le dialogue social ne se résume pas à un dialogue avec les OS, mais doit aussi avoir lieu avec les agents.
Enfin, le dialogue social ne se résume pas à une discussion avec les syndicats mais doit aussi avoir lieu avec les agents. Comment l’organise-t-on ? Par exemple sur le temps de travail, comment écoute-on les agents ? Comment travailler en direction des agents sans décrédibiliser les OS ? Enfin, il est nécessaire de moderniser le dialogue social en l’allégeant d’un point de vue administratif car il s’est appauvri en raison d’un formalisme très important (dans les CHSCT, les CT, les CAP…).
Y a-t-il un manque de formation et de culture du dialogue social ?
Il y a un défaut de formation collective des représentants syndicaux au niveau local : ils ne sont pas assez formés aux enjeux de la fonction publique et de la fonction publique de demain. Il y a aussi un problème de formation à l’intérêt du dialogue social auprès des agents, des services RH, des élus. Les agents ont encore une vision très administrative du dialogue, des dossiers. Peu de collectivités ont, par exemple, des agendas sociaux pluriannuels. Le dialogue social doit aussi concerner les directions opérationnelles et pas seulement les ressources humaines.
On ne peut pas se contenter de négocier seulement en cas de grève.
C’est une affaire de management, de culture. L’absence de négociation révèle le manque de culture au dialogue social. Dans la fonction publique, le dialogue social se fait principalement via l’information et la consultation et non par la négociation. Il n’y a pas de reconnaissance juridique d’accords. Or négocier le temps de travail peut très bien se négocier au niveau local. Nous n’avons pas la notion d’accords de branches comme dans le privé. Dans le public, cela passe par la loi qui se décline ensuite de façon locale. Je ne sais pas s’il faut des accords au sein des collectivités.
Donner une capacité réelle aux OS d’enrichir un dossier
Mais les instances ne peuvent pas se résumer à de l’information et de la consultation. On ne peut pas se contenter de négocier seulement en cas de grève. Pour négocier, il faut fixer des objectifs, déterminer clairement ce qui est négociable et non négociable, autrement dit les objectifs à atteindre. Il faut donc que l’on réfléchisse à la manière de donner une capacité réelle aux OS d’enrichir un dossier. Les postures caricaturales crispent les DRH. Il y a du chemin à faire des deux côtés. L’état d’esprit doit évoluer.
Focus
Gel du point d’indice : une mesure qui ne fait pas faire des économies à court terme
Le président de l’Association des DRH des grandes collectivités a également réagi à l’annonce du gouvernement de geler le point d’indice dans la fonction publique suite à la publication du rapport annuel de la Cour des comptes le 29 juin.
« Je crois que personne n’espérait en réalité une revalorisation de la valeur du point après deux augmentations de 0,6% en un an. C’est une mesure coûteuse pour les collectivités (640 M€ pour une hausse de 1%) dont les effets d’équité sont très discutables en raison de l’uniformité d’application. Nous préférons qu’une réelle concertation ait lieu sur la rémunération des fonctionnaires qui repose sur plus de justice et de visibilité dans le temps que les effets d’annonce au coup par coup.
Cela passe par:
- une simplification de la rémunération pour la rendre compréhensible en commençant par l’achèvement de la mise en place du RIFSEEP (1) pour tous les cadres d’emplois
- les suppressions des NBI (2) et GIPA (3) dont les montants pourraient être reversés à l’ensemble des agents
- une vraie indemnité de résidence tenant compte des réalités de l’immobilier sur tout le territoire, par une remise à plat du SFT (4) avec la suppression de la part proportionnelle au traitement qui ne favorise que les hauts revenus
Enfin, nous réaffirmons notre attachement comme d’autres associations de professionnels au rétablissement de la journée de carence en contrepartie d’un effort sur la participation employeur aux prestations sociales complémentaires (mutuelles santé) comme dans le privé. Car s’il est admis par tous que la fonction publique doit faire des efforts dans le contexte de maîtrise des déficits publics, ces efforts doivent dépasser la simple logique budgétaire en réfléchissant à l’attractivité de la fonction publique et à l’équité entre catégories, filières et employeurs. Les politiques de rémunération ne sont pas seulement que des éléments d’ajustements comptables. »
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