Vers des DGS jetables ?

Vers des DGS jetables ?

Jean-Baptiste Forray | A la une | Dossiers d’actualité | France | Toute l’actu RH | Publié le 15/02/2018 | Mis à jour le 16/02/2018

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Jamais autant de chefs d’exécutifs locaux ne se sont séparés de leur directeur général des services en plein milieu de mandature. Ailleurs, un contrat de confiance parvient cependant à se nouer entre les patrons de collectivité et leur principal collaborateur, comme l’a montré un colloque organisé par le syndicat des DGS d’Ille-et-Vilaine le 8 février dernier.

Two business people signing a document

La valse des directeurs généraux de services est toujours aussi endiablée dans les collectivités. Alors que les chefs d’exécutifs locaux changeaient de DGS à l’occasion d’une alternance ou d’un nouveau mandat, ils n’hésitent plus à se séparer de leur principal collaborateur en plein milieu d’un bail électoral.
En clair : des directeurs généraux des services intronisés au lendemain du scrutin municipal de 2014 se voient aujourd’hui indiquer la porte. Des limogeages d’une ampleur inégalée, selon Hélène Guillet, responsable de la médiation au syndicat national des DG des collectivités territoriales (SNDGCT).
Basée à Vertou en Loire-Atlantique, la directrice générale des services a mis en lumière cette nouvelle vague de renvois, lors d’un colloque organisé par le syndicat des DGS d’Ille-et-Vilaine, le 8 février dernier à Thorigné-Fouillard. Une rencontre consacrée aux relations entre les DGS et les élus.

 

• L’élu local et le DGS : enquête sur un couple de pouvoir [1]

Le syndrome du nouveau souffle

« Les relations se tendent entre les élus et les équipes dirigeantes. Fin 2017, il y a eu encore énormément de fins de détachement », témoigne Hélène Guillet. « C’est le syndrome du nouveau souffle », pointe Pierrick Lozé, DGS de la communauté d’agglomération Mont Saint- Michel/Normandie et auteur du savoureux essai « Maire/DGS : le couple infernal » (Editions Territorial).

Depuis le scrutin municipal de 2014, le SNDGCT a été saisi de plus de 200 demandes de médiation émanant d’adhérents en délicatesse avec leur employeur. Un chiffre en hausse. Une augmentation liée à l’abaissement,depuis 2007, du seuil démographique de 3 500 à 2 000 habitants pour occuper un emploi fonctionnel de DGS, mais pas seulement.

• Pierrick Lozé : « Les nouveaux élus ne font pas dans le sentiment » [2]

Première vague de dégagisme

Si l’immense majorité de ces différends ne se sont pas réglés au contentieux, ils traduisent aussi de fortes tensions. Sans être le lot commun, les mises au placard ou à l’écart ne sont pas si rares…

Marquée par une première phase de « dégagisme », la dernière édition des municipales a vu l’irruption d’édiles parfois peu au fait du fonctionnement administratif des collectivités. Ce qui n’a pas empêché certains d’entre eux de jouer les managers de choc dans les services.

Pas franchement la bonne méthode… « Pour agir, l’élu a besoin de s’appuyer sur son directeur général, qui est chargé de la mise en oeuvre de son projet. Le DGS est force de proposition, mais rappelle aussi les limites juridiques et techniques à respecter », rappelle Gilles Saulnier, président du syndicat des directeurs généraux des services d’Ille-et-Vilaine et grand ordonnateur de ce colloque.

• Comment les DGS font face à la loi anti-cumul des mandats [3]

Rythme de croisière

« Chacun, au sein de ce couple, a intérêt à être l’affut des signaux faible. La confiance se bâtit et s’entretient », lance Hélène Guillet. Loin de noircir le tableau, la secrétaire nationale adjointe du SNDGCT juge que la plupart des tandems trouvent leur rythme de croisière. « La règle avec le président d’exécutif, c’est qu’on a le droit de tout se dire… dans le secret de son bureau ! », témoigne Pierric Lozé, membre du bureau du syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales. Lors du colloque de Thorigné-Fouillard, les édiles se sont situés
sur la même longueur d’onde.

Une entente cordiale qui pourrait cependant être écornée en fin de mandat. « On nous demande, alors, de tout faire vite et bien, glisse Pierrick Lozé. Et quand on transmet, conformément à la loi, des documents à l’opposition, c’est mal perçu par les élus majoritaires. L’approche des municipales reste un moment de tension où tout est sur-interprété ».

L’Ille-et-Vilaine, à l’abri des grandes tempêtes

Ancien consultant au centre de gestion d’Ille-et-Vilaine et coauteur d’un livre sur le DGS communal*, Loïc Brémaud a branché ses capteurs depuis plus de deux décennies sur les directeurs généraux des services de son département. L’universitaire observe, comme ailleurs, « une montée en gamme » de la profession. Aux diplômés de droit, succèdent des « Sciences Po », rodés aux techniques de gestion et au management.
Exit, les anciens secrétaires de mairie plus portés sur « le faire » que sur « le faire faire ». Prennent, désormais, racine des cadres qui maîtrisent toute la complexité de la gouvernance locale. Une nouvelle génération qui fait corps avec la montée en puissance de  l’intercommunalité, particulièrement développée en Ille-et-Vilaine. Des « pros » qui oeuvrent avec des maires du cru dont un certain nombre, souligne Loïc Brémaud, « sont des cadres bancaires et des consultants en finances locales ». Des élus qui savent jongler avec les ratios et les plans de transformation.
« Une expertise très fine » qui, observe Loïc Brémaud, peut amener ces maires à marcher sur des platebandes de DGS, jaloux de leur autonomie. Peu d’éclats de voix néanmoins sur ces terres. L’Ille-et-Vilaine cultive la culture du consensus, entre démocratie-chrétienne et sociale-démocratie, dans la lignée du quotidien régional Ouest France. « Contrairement à ce que l’on peut voir dans Sud-Est, la fonction de DGS est peu politisée », note ainsi Loïc Brémaud.

*Le DGS communal, identité, fonctions, formation (Presses universitaires de Rennes)

 

 

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