- Article publié le 27 juillet 2018
La mise en place d’un complément indemnitaire annuel s’impose aux collectivités territoriales qui instaurent le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP) de leurs agents.
Le Conseil constitutionnel n’y voit rien à redire.
Le Conseil constitutionnel vient de valider l’obligation pour les collectivités territoriales qui veulent attribuer à leurs agents un régime indemnitaire tenant compte des conditions d’exercice des fonctions et de l’engagement professionnel de leurs agents publics, de constituer celui-ci en deux parts distinctes, lorsque les services de l’Etat correspondants appliquent un régime indemnitaire construit ainsi.
Les juges de la rue de Montpensier avaient été saisis le 22 mai dernier par le Conseil d’Etat d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par la commune de Ploudiry, située dans le Finistère (900 habitants).
Forte du soutien du centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale, la collectivité contestait la conformité à la Constitution de cette obligation découlant du premier alinéa de l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984, dont la dernière version résulte de la loi « déontologie » du 20 avril 2016. Elle affirmait que ce principe porte atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales garanti par l’article 72 de la Constitution.
La requête de la commune revenait à contester l’obligation pour les collectivités territoriales de prévoir un régime indemnitaire incluant une part relative à l’engagement professionnel de l’agent, lorsque les services de l’Etat servant de référence mettent en œuvre une part de cette nature.
Les plafonds de chaque part, fixés librement
Dans la décision qu’il a rendue le 13 juillet, le Conseil constitutionnel considère que « l’harmonisation des conditions de rémunération au sein des fonctions publiques étatique et territoriale » et la volonté de « faciliter les mobilités en leur sein ou entre elles deux » correspondent à « un objectif d’intérêt général ». Les Sages affirment également que les collectivités territoriales « demeurent libres de fixer les plafonds applicables à chacune des parts » du régime indemnitaire, « sous la seule réserve que leur somme ne dépasse pas le plafond global des primes octroyées aux agents de l’Etat ». Enfin, ils soulignent que les collectivités sont « libres de déterminer les critères d’attribution des primes correspondant à chacune de ces parts ». Ils en déduisent que les dispositions contestées sont conformes à la Constitution.
Il résulte de cette décision que les collectivités territoriales qui mettent en place le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP) ont l’obligation de prévoir non seulement l’indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise (IFSE), mais également le complément indemnitaire annuel (CIA) lié à l’engagement professionnel et à la manière de servir.
On soulignera que le Conseil constitutionnel reconnaît la liberté dont disposent les collectivités territoriales pour fixer le montant de la part visant à récompenser l’engagement professionnel de l’agent. Ce qui signifie que ce montant pourrait être proche de zéro. Dans une réponse à la question écrite d’un député, le ministère de l’Action et des Comptes publics précisait d’ailleurs, en novembre dernier, que les employeurs territoriaux « peuvent fixer un plafond de CIA relativement bas », tout en rappelant qu’ils ne peuvent pas dépasser « le plafond global des deux parts définies pour le corps équivalent » de la fonction publique de l’Etat.
Référence : décision n° 2018-727 QPC du 13 juillet 2018, commune de Ploudiry.
http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-703QE.htm
Texte de la question
M. Hervé Pellois appelle l’attention de M. le ministre de l’action et des comptes publics sur les difficultés actuelles de mise en œuvre du nouveau régime indemnitaire de la fonction publique. Le régime indemnitaire actuel tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP) a été créé par le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014. Le remplacement de la prime de fonctions et de résultats (PFR) par le RIFSEEP a été pris en compte dans la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016. Le nouveau dispositif est centré sur une indemnité principale, l’indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise (IFSE), versée mensuellement, à laquelle s’ajoute un complément indemnitaire (CIA) facultatif, versé annuellement. Ce dernier permet de valoriser l’investissement personnel de tout agent. C’est le cumul de l’IFSE et du CIA qui, pour chaque groupe de fonctions, permet de déterminer le plafond indemnitaire global du RIFSEEP. S’agissant de la fonction publique d’État, les arrêtés interministériels pris pour mettre en œuvre ce nouveau régime indemnitaire prévoient tous un montant maximal du CIA pour chaque groupe de fonctions. S’agissant de la fonction publique territoriale, le plafonnement des deux indemnités représente une obligation au titre de l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984. Or il existe actuellement différentes interprétations quant au montant du plafonnement du CIA pour les collectivités. Certaines d’entre elles ont en effet fixé un plafonnement à zéro ; plafonnement contesté par les services préfectoraux. Il lui demande donc de bien vouloir clarifier la réglementation applicable au nouveau régime indemnitaire de la fonction publique.
Texte de la réponse
Le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP) constitue le nouveau cadre de référence pour la plupart des agents publics percevant des primes et se compose d’une part correspondant à la reconnaissance de l’expertise et des sujétions dans l’exercice des fonctions (IFSE) et d’une part correspondant à l’engagement professionnel et à la manière de servir, laquelle peut donner lieu au versement d’un complément indemnitaire annuel (CIA), facultatif et non reconductible. Le régime indemnitaire des fonctionnaires territoriaux obéit au principe de parité avec celui de la fonction publique de l’Etat (FPE). Ainsi, dès lors que les corps de la FPE bénéficient du RIFSEEP, les collectivités territoriales et leurs établissements publics doivent le mettre en œuvre pour leurs cadres d’emplois homologues. Au regard des dispositions prévues à l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, les collectivités sont libres d’organiser le régime indemnitaire de leurs agents et de définir le montant plafond pour chacun des groupes de fonctions, dans la limite du plafond global constitué de la somme des deux parts. L’article 88 précité précise ainsi que « lorsque les services de l’État servant de référence bénéficient d’une indemnité servie en deux parts, l’organe délibérant détermine les plafonds applicables à chacune de ces parts et en fixe les critères, sans que la somme des deux parts dépasse le plafond global des primes octroyées aux agents de l’État ». C’est cette seule disposition législative qui s’impose aux collectivités territoriales et non le décret no 2014-513 du 20 mai 2014 portant création du RIFSEEP dans la FPE. La loi exige donc bien l’identification de deux parts, avec des critères d’attribution. Dès lors que les arrêtés interministériels pris pour mettre en œuvre le RIFSEEP dans la FPE prévoient tous un montant maximal de CIA pour chaque groupe de fonctions (en sus du montant prévu pour l’IFSE), les employeurs territoriaux sont également tenus de prévoir un montant plafond de CIA. Ils sont libres de le fixer dans la limite du plafond global des deux parts définies pour le corps équivalent de la FPE, ce qui peut leur permettre de fixer un plafond de CIA relativement bas, s’ils le souhaitent. L’attribution du CIA demeure facultative à titre individuel, puisque liée à l’engagement professionnel et à la manière de servir de l’agent. En conséquence, les employeurs territoriaux qui délibèrent pour instituer le RIFSEEP doivent prévoir pour chaque groupe de fonctions un montant plafond d’IFSE, ainsi que de CIA, puisque tous les corps de la FPE équivalents aux cadres d’emplois actuellement concernés sont éligibles à ces deux parts, en vertu des arrêtés interministériels les concernant. De manière plus large, le Gouvernement entend engager en 2018, dans le cadre du dialogue social, une réflexion sur la structuration de la rémunération des agents publics.