Le 27 août 2019 à 15h28, modifié le 27 août 2019 à 16h06
Vers la version en ligne : ici
Et si finalement l’instauration d’une retraite à taux plein à 64 ans était oubliée… Interrogé lundi soir sur la réforme des retraites à venir, Emmanuel Macron a indiqué sa préférence pour un calcul des droits à la retraite lié à la durée de cotisation plutôt qu’à l’âge de départ.
En clair : alors que les négociations avec les syndicats commencent la semaine prochaine, le président de la République ne soutient pas la mesure phare inscrite dans le rapport remis en juillet par Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites. Il prévoit un âge pivot à 64 ans, c’est-à-dire un système de décote pour ceux qui partiraient entre 62 ans -l’âge légal pour partir à la retraite- et 64 ans.
Des déclarations qui ne sont que de la poudre aux yeux pour Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, qui appelle à une journée d’action le 24 septembre. Selon lui, rien ne change sur le fond.
Emmanuel Macron a indiqué lundi soir sa préférence pour un calcul des droits à la retraite en fonction de la durée de cotisation plutôt qu’en fonction de l’âge de départ. Qu’en pensez-vous ?
PHILIPPE MARTINEZ. Ces propos ne modifient en rien le projet du gouvernement ! Il a compris l’inquiétude des Français qui pensent qu’ils vont devoir travailler plus longtemps et partir plus tard en retraite. Il essaye donc de calmer le jeu. Au final, il ne fait que répéter les préconisations du haut-commissaire à la réforme des retraites Jean-Paul Delevoye et il va même un peu plus loin. Que dit-il ? Qu’il va falloir cotiser plus longtemps sans toucher à l’âge légal de départ en retraite. Avec le système actuel, les gens sont déjà obligés de travailler plus longtemps que l’âge légal pour bénéficier d’une pension à peu près acceptable. C’est ce qu’il a confirmé. Demain, si vous voulez une pension correcte, il faudra cotiser plus longtemps. Si on cotise plus longtemps, il faudra de toute façon travailler plus longtemps !
Ces propos ne sont donc pas, selon vous, le signe d’un adoucissement de l’exécutif sur le projet de réforme ?
Pas du tout ! Emmanuel Macron fait juste une opération de communication qui marche très bien. Il parle de « moderniser l’esprit de solidarité ». Mai il ne remet pas un seul instant en cause le système par points qui est central dans le projet de l’exécutif. Or, passer d’un régime par répartition (NDLR : le système actuel) à un régime par points, c’est changer en profondeur le système sur lequel sont calculées nos retraites. Sur le fond, rien n’est amélioré. Au contraire. Il a déjà sous-entendu qu’on puisse faire voter un allongement du nombre de trimestres nécessaires pour partir en retraite. On va peut-être avoir une mauvaise surprise dès octobre.
Mais Emmanuel Macron a néanmoins rouvert la porte des négociations… Ce n’est pas positif ?
Il dit aussi : « Il faut changer. » À la CGT, nous abordons la question des retraites de manière différente. Deux exemples. Il dit que, grâce à cette réforme, les femmes auront une meilleure retraite. Mais si on appliquait l’égalité salariale pendant la durée de temps de travail, il n’y aurait pas besoin ! Autre sujet : pourquoi proposer de calculer le montant de la retraite sur l’ensemble de la carrière ? Il y a des périodes d’inactivité, de chômage, de précarité et les salaires de début de carrière ne sont pas les mêmes qu’en fin de carrière…
Selon vous, l’ensemble des Français seront donc perdants…
Tout à fait. Ce discours, c’est une opération déminage qui a pour objectif d’entretenir une confusion dans l’esprit des Français. Entre l’âge légal, l’âge pivot, l’âge d’équilibre, ils finissent par s’y perdre. Il n’y en a qu’un qui compte : à quel âge puis-je partir à la retraite avec une pension qui me permette de vivre le plus dignement possible?
Vous serez reçu à Matignon la semaine prochaine. Quel message ferez-vous passer à Édouard Philippe ?
Notre système de retraite fonctionne sur un principe de solidarité. Il faut donc mettre davantage de Français au travail et augmenter les salaires, ce qui ferait, de façon automatique, augmenter les cotisations et remplirait les caisses de la sécurité sociale et de notre régime de retraite. Il faudrait aussi contrôler davantage les fonds publics donnés aux entreprises et traiter la question des années d’étude. Comment prendre en compte l’allongement de la durée d’étude dans le calcul des droits à la retraite ? Voilà des questions essentielles.
Qu’attendez-vous de votre mobilisation le 24 septembre ?
Il y aura du monde ! Notre objectif est de conjuguer urgence sociale et urgence climatique. On arrivera à mobiliser davantage sur le climat que si les questions sociales sont résolues. Tout le monde rêve de manger bio, mais il y en a beaucoup qui rêvent de manger tout court !