Intervention de la CGT en réponse à la Ministre de la Fonction Publique devant le CSFPT.

Intervention de la CGT en réponse à la Ministre de la Fonction Publique devant le CSFPT.

Séance plénière du CSFPT du 16 février 2022

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Madame la Ministre
Monsieur le Président,
Monsieur le Directeur,
Cher-e-s collègues,

L’actualité de la FPT est particulièrement dense en ce mois de février 2022

En témoignent

• L’aboutissement du laborieux processus législatif d’adoption du projet de loi 3DS.

• Les atermoiements des employeurs territoriaux sur la PSC qui ont suscité un front syndical unique. Votre intervention pour forcer le passage du décret a stoppé le processus de dialogue social national dans la FPT initié par le boycott de la séance plénière de décembre 2021. La CGT ne veut pas d’une PSC au rabais pour les fonctionnaires territoriaux. Dès lors elle disponible pour un dialogue social de qualité.

• Votre réponse à une parlementaire sur le vœu unanime du CSFPT portant sur la filière « enseignements artistiques » et plus particulièrement sur les Dumistes. Si la députée était parfaitement au fait du sujet, votre réponse élude la réalité humaine des Dumistes et les solutions consensuelles avancées dans le rapport De Carlos de 2018 pour les Dumistes, les PEA et les ATEA              dont 20 0000 occupent des fonctions de catégorie A.

A ce s’ajoute la publication à votre demande madame la ministre de la Fonction publique d’un rapport sur l’attractivité de la Fonction publique territoriale rédigé par Corinne Desforges, inspectrice générale de l’administration mais aussi Mathilde Icard, présidente de l’association des DRH de grandes collectivités et par Philippe Laurent, président du CSFPT et de la Coordination des employeurs territoriaux (CET).

Puisque vous êtes là et puisque vous l’avez évoqué, nous n’attendrons pas la séance de mars du CSFPT pour évoquer son contenu disruptif et inquiétant.

Ce rapport pose la question de l’attractivité de la FPT, là où il faudrait interroger, en fait, celle des employeurs territoriaux.

Pourquoi ce biais ?
Tout simplement, parce que ce rapport n’a qu’un seul objectif : poursuivre le démantèlement des garanties collectives contenues dans le statut de la FPT en renforçant le MEDEF territorial; Ce sous l’impulsion de l’Union européenne et de l’OCDE. Il est à noter que le 5 janvier 2022, un rapport sur le même sujet a été publié en Allemagne.

La lettre de mission et le rapport affirment donc que la FPT souffre d’un manque d’attractivité. Ils en veulent pour preuve que 39 % des employeurs territoriaux disent éprouver des difficultés à attirer des candidats en 2021.

Ce faisant, une confusion volontaire est savamment entretenu et distillée entre perte d’attractivité métiers en pénurie; métiers difficiles à recruter ; métiers en concurrence avec d’autres collectivités ; métiers en concurrence avec d’autres fonctions publiques; métiers en concurrence avec le secteur privé ; Et métiers à l’épreuve de la démographie.

Autant de catégories parfaitement décrites dans les études et monographies produites par le CNFPT et absentes curieusement du rapport.

LA FPT DEMEURE ATTRACTIVE. NOUS L’AFFIRMONS.

De nombreux indicateurs quantitatifs démontrent qu’il n’y a pas de problème d’attractivité, comme :

• La stabilité du taux de sélectivités des concours de la FPT ;

• La comparaison favorable à la FPT de ces taux avec la FPH ;

• L’augmentation du nombre de consultations des offres d’emplois dans la FPT ;

• La faiblesse du pourcentage de recrutements infructueux ;

• La comparaison favorable à la FPT du pourcentage d’employeurs territoriaux rencontrant en 2019 des difficultés à recruter (34%) avec les autres employeurs privés, FPH, FPE (52%).

• Sur les 36 métiers pour lesquels les CT rencontrent des difficultés à recruter, seuls 5 font état de difficultés supérieures pour les CT à celui des employeurs hors CT.

Sur le plan des indicateurs qualitatifs, un sondage réalisé en 2021 pour le ministère de la fonction publique auprès de 1471 jeunes de 18 à 30 ans et portant sur la FPT va dans le même sens.

La FPT est perçue par ces jeunes essentiellement comme offrant un emploi et une carrière stables ; Les agents de la fonction publique territoriale sont considérés par ces jeunes comme disciplinés, autonomes, intègres et sachant faire preuve d’initiative ; L’accès à la fonction publique territoriale est connu par la moitié de ces jeunes interrogés ; 64% pourraient passer un concours de la FPT contre 22% qui ne sont pas du tout intéressés.

Tout cela est très clairement écrit dans le rapport qui n’en démord pas. La fonction publique territoriale est malade d’un défaut d’attractivité.
Il faut donc lui administrer un traitement choc.

Celui-ci consiste premièrement à institutionnaliser le MEDEF territorial en lui donnant des moyens financiers importants et la capacité de court-circuiter notre instance de dialogue social national, le CSFPT.

Deuxièmement, il s’agit d’achever l’effacement du statut de la FPT consacré juridiquement et porteur de garanties collectives en termes de sécurité de l’emploi (emploi à vie), de rémunération (Grille indiciaire, avancement d’échelon), d’évolution de carrière (Avancement de grade et promotion), de formation (CNFPT), d’accès égal aux emplois publics (Concours).

PLACER LE MEDEF TERRITORIAL AU CŒUR DU DISPOSITIF DE GESTION DE LA FPT

La préconisation phare du rapport touche à la place et la nature de la Coordination des Employeurs Territoriaux et dont l’un des co-auteurs du rapport est son président fondateur.

Le rapport revendique ainsi de la : « Souplesse pour les employeurs dans la gestion des ressources humaines afin de limiter les coûts sociaux et financiers de changements fréquents du personnel »

L’enjeu est donc financier et renvoie aux politiques d’austérité. La masse salariale des Collectivités territoriales et leurs établissements s’est élevée à 84,3 Md€ en 2020.

La méthode est donnée : « Le statut, en tout état de cause, n’est pas plus rigide que certaines conventions collectives, et il peut être habilement sollicité ; il est parfois perçu par les élus comme une contrainte alors qu’il offre une garantie de maîtrise de la masse salariale».

L’effectivité progressive de la loi Dussopt nécessite la mutation de la CET.

Le rapport souligne ainsi que « les ministres en charge de la fonction publique ont vu l’enjeu et l’avantage de la Coordination comme interlocuteur informel unique et comme relai ». Ou encore « la Coordination a joué son rôle : elle a permis d’amender le projet de loi de transformation de la fonction publique, de certaines ordonnances et de certains décrets. Dans un contexte préparatoire et officieux, elle est efficace ».

Ici apparait à travers le terme officieux. Il signifie que la CET court-circuite depuis sa création de la CSFPT par des actions informelles dans les cabinets ministériels et leurs annexes.

Ce type de procédé est totalement contraire au fonctionnement du CSFPT où la transparence

Les auteurs du rapport, totalement désinhibés et en pleine confusion des genres assez récurrente, au demeurant, se demandent ceci : « faut-il aller plus loin en « instituant » la Coordination, pour l’instant informelle, en interlocuteur « officiel» du gouvernement et des organisations syndicales dans la négociation sociale au niveau national ? ».

L’objectif est enfin lâché : institutionnaliser le patronat regroupant les 42 300 employeurs territoriaux.

Est-ce encore un rapport sur l’attractivité de la FPT ?

Cette institutionnalisation passe pour la CET par un changement « de dimension pour acquérir un statut reconnu de représentant des employeurs territoriaux, avec ce que cela implique d’organisation et de débat interne ». Il prendrait la forme de la création « en lieu et place de la FNCDG, [d’] une structure de représentation unifiée des employeurs territoriaux (et pas seulement des adhérents aux centres de gestion) ».

Cette nouvelle instance, disposerait de moyens propres. En l’espèce il s’agirait d’un fonds dédié à l’attractivité territoriale.

RENFORCER L’INDIVIDUALISATION DES RÉMUNÉRATIONS

Un des points positifs du rapport est le constat qu’il pose sur la faiblesse des rémunérations versées aux 2 millions d’agents territoriaux par leurs 42 300 employeurs territoriaux.

Nous relevons ceci : « La rémunération est le facteur de loin le plus cité par les différents interlocuteurs de la mission comme explicatif d’un manque d’attractivité de la fonction publique territoriale »

Quant aux mesures « salariales » proposées dans le rapport aucune ne concerne le point d’indice. Celui-ci est disqualifié d’office par cette phrase : « La politique de rémunération indiciaire ne peut pas tout résoudre ».

Ce que préconise le rapport c’est la rémunération à la tête du client, comme en témoignent plusieurs passages du rapport.

LES CONCOURS ET LES DIPLÔMES JUGÉS ARCHAÏQUES ET DÉPASSÉS

Le rapport accuse également à de nombreuses reprises les concours de tous les maux de la terre.

En voici un exemple : « Pour les jeunes générations, il n’y pas d’intérêt pour le concours. En tant que cabinet de recrutement, nous sommes inquiets sur ce point. C’est peut-être un enjeu de format. Par exemple, les appels à défis de la DITP fonctionnent plus que les concours ! Il faut des formats plus attractifs et modernes. Il y a des formules qui sont dépassées, le terme « concours » ne convient plus. La forme, l’emballage, ça compte ».

Emilie Chalas, rapporteur du projet de loi Dussopt devant l’assemblée nationale et ancienne DGS territoriale avait prévenu : « Les concours et les filières sont relativement archaïques ».

ENTÉRINER LA CONTRACTUALISATION DE LA FPT ET L’EFFACEMENT DU STATUT REMPLACE PAR DES CONVENTIONS COLLECTIVES

Qui plus est, la tension existante sur quelques métiers de la FPT constitue un prétexte pour étendre la sphère du contrat dans la FPT.

Les auteurs du rapport préconisent le recours à des contrats longs en lieu et place de recrutements de fonctionnaires.

Le fonctionnaire est même considéré comme plus cher à recruter que le contractuel car nécessitant des délais plus importants.

Cela résume d’ailleurs, comme l’a fait Emile Chalas l’intérêt du gouvernement et du MEDEF territorial pour le contrat : « Le contractuel est embauché très vite à la discrétion de l’employeur public sur un salaire avec une mission pour un temps donné. En revanche, il n’est pas possible de faire évoluer la personne sur ce contrat-là ».

Ce faisant, il s’agit d’entériner la place du contrat au sein de la FPT. Et puisque les contractuels sont là et vont devenir majoritaires, « l’extension des cas de recours aux contractuels implique de déterminer des politiques de carrière des contractuels au travers de conventions collectives fixant les grands principes au niveau national et laissant les marges de manoeuvres, nécessaires aux employeurs dans leur négociation avec les candidats.».

Les 3 auteurs du rapport proposent donc l’instauration de conventions collectives dans la FPT.

Avec une telle proposition pourrons-nous encore parler de FPT ?

Comme le rappellent les chercheuses Emilie Biland et Natacha Gally dans « Fonction publique : vers un nouveau modèle, en France », la fonction publique se caractérise par l’existence d’un droit distinct du Code du travail, le « statut », qui confère à l’ensemble des agentes et agents publics des droits et obligations spécifiques par rapport aux salarié·es du secteur privé et qui organise simultanément la participation des fonctionnaires à la régulation de leurs conditions d’emploi et de travail.

DÉVELOPPER L’APPRENTISSAGE AU DÉTRIMENT DE LA FORMATION INITIALE

Les auteurs du rapport préconisent de développer l’apprentissage.

Ils y voient notamment l’intérêt suivant : « l’apprentissage rapproche les collectivités du monde des entreprises ». Cette volonté de rapprochement avec les entreprises constitue une constante dans le rapport.

Il s’agit ici de contribuer à la casse de la formation initiale (secondaire et supérieur), c’est-à-dire du service public, laïc et gratuit (théoriquement) de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur.

Rappelons que le 13 janvier 2022, le Président de la République s’est proposé d’expulser des milliers si ce n’est des centaines de milliers d’étudiants de leurs amphis et salles de TD, à travers ces propos : « On ne pourra pas rester durablement dans un système où l’enseignement supérieur n’a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants ».

Il s’agit également de poursuivre la destruction du CNFPT.

DES MILLIERS D’EMPLOIS NON POURVUS, UNE VIEILLE ANTIENNE DU MEDEF

« Je ne rencontre que des chefs d’entreprise qui ont des problèmes de recrutement », témoignait en janvier le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux.

Et maintenant c’est au tour de la FPT.

Le rapport attractivité de la FPT s’inscrit dans la ligne droite de la loi Dussopt et des directives données tant par l’Union européenne que par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Il s‘agit de poursuivre la déréglementation du marché travail déjà bien avancée avec les ordonnances Macron de 2017.

Le rapport attractivité s’en prend à l’un des derniers marchés du travail bénéficiant encore de protection partielle, entamée insuffisamment aux yeux du Gouvernement et des employeurs territoriaux par la loi Dussopt.

Pour être très précis, il s’agit de casser le marché interne la fonction publique, avec comme mode de recrutement privilégié les concours administratifs, un déroulement de carrière garanti, et des niveaux de rémunérations qui évoluent indépendamment des variations enregistrées dans le secteur privé.

Pour dénigrer le statut de la fonction publique territoriale, les 3 auteurs du rapport n’hésitent à convoquer la jeunesse, la fraction du prolétariat la plus précarisée.

Ils affirment ainsi : « La perte d’attrait de la carrière et de « l’emploi à vie » Aujourd’hui on constate que l’existence d’un « statut » – et notamment « l’emploi à vie » qui en découle – ne sont plus considérés par les jeunes générations comme des éléments d’attractivité ».

S’il y a bien un sujet RH en ce qui concerne les métiers en tensions, la question de l’attractivité de la FPT ne se pose pas. Elle n’existe pas.

Sous prétexte de perte menaçante d’attractivité de la FPT, la mesure phare du rapport vise à institutionnaliser un MEDEF territorial, disposant d’un fonds, le tout en vue de limiter l’évolution de la masse salariale des 2 millions d’agents publics territoriaux, donc de limiter leur rémunération.

La ficèle est grosse.

L’élaboration d’un rapport est confiée notamment au président de la CET et président du CFSPT, avec une confusion des genres qui est plus que fâcheuse et inopportune.

La phrase suivante en est illustration particulièrement significative : « La création – à l’initiative du président du CSFPT – fin 2018, de la Coordination des employeurs territoriaux est une étape importante ». En effet, il n’est pas vrai que le Président du CSFPT es qualité est à l’initiative de la création du CSFPT.

La CET n’est pas une extension du CSFPT. Ce dernier n’est une structure croupion de la CET. C’est une instance avec 2 collèges.

Il convient de souligner que les contributions écrites de l’un de ces 2 collèges, celui représentant les personnels territoriaux, ont été exclues du rapport dans son contenu comme ses annexes.

Pour conclure, le rapport repose sur un constat erroné : la FPT n’est plus attractive.

Le rapport observe cette réalité qui n’existe pas et propose d’institutionnaliser le MEDEF territorial en lui confiant une cagnotte, un fonds sur l’attractivité de la FPT.

Mais ce n’est pas tout…

Ce rapport entérine également le fait que le Gouvernement et les employeurs territoriaux ne veulent pas rémunérer à leur juste valeur les 2 millions territoriaux et programment la poursuite du recul de leur niveau de vie.

Ce rapport n’en est pas un.

C’est la feuille de route commune ou le programme commun au Président de la République s’il devait être réélu et au MEDEF territorial.

Cette feuille de route à néanmoins le mérite d’alerter les 2 millions d’agents territoriaux.

Pour la délégation CGT au CSFPT
Karim LAKJAÂ
Président de la FS3

 

 

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