France Info : « Vous êtes une inspiration pour les combats qu’on mène chez nous » : à Paris, un 1er-Mai marqué par la présence de syndicalistes venus du monde entier.

Cette année, à l’occasion de la traditionnelle Fête internationale des travailleurs, des délégués syndicaux étrangers ont parfois traversé la planète pour marcher aux côtés de leurs camarades français.
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Publié le 01/05/2023 17:23Mis à jour le 01/05/2023 17:30 –  Temps de lecture : 5 min.

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Des représentants de syndicats étrangers participent à la mobilisation du 1er-Mai à Paris, le 1er mai 2023. (RAPHAEL GODET / FRANCEINFO)

 

 

 

 

 

 

 

Chasuble rouge sur le dos, un représentant de la CGT bafouille quelques mots en anglais à un petit groupe d’homologues étrangers. « La réforme des retraites, very big problem en France », répète-t-il en distribuant ses tracts. « On a vu, on a tout suivi, vous savez », acquiesce Hyewon Chong. Cette Sud-Coréenne a fait treize heures de vol depuis Séoul pour prendre place dans le cortège parisien du 1er-Mai. « C’est un acte de pure solidarité avec le combat que vous menez depuis toutes ces semaines », reprend dans le plus grand des respects la représentante de la Korean Metal Workers’ Union. Le message (en coréen) sur sa pancarte va dans le même sens : « Les travailleurs coréens soutiennent les travailleurs français. »

Cette année, la traditionnelle fête du travail, organisée quelques semaines après l’adoption controversée de la réforme des retraites, a pris des accents internationaux. Le long des trois kilomètres qui séparent les places de la République et de la Nation, il suffit de tendre l’oreille, entre deux pétards, pour entendre parler anglais, espagnol, italien, turc, et même ukrainien. Au total, une vingtaine de pays ont accepté l’invitation lancée par les syndicats français.

Maher Tekaya, responsable des questions internationales à la CFDT, distribue les badges à ses homologues étrangers, à Paris, le 1er mai 2023. (RAPHAEL GODET / FRANCEINFO)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Avec mon homologue de la CGT, ça a été speed. On a tout organisé en moins de deux semaines, résume, pas peu fier, Maher Tekaya, le responsable des questions internationales au sein de la CFDT. On connaissait déjà certains interlocuteurs étrangers, mais pas tout le monde. Ça a été du bouche-à-oreille pour en arriver à ça. » Dans son enveloppe figurent encore quelques badges à distribuer, ceux de la Suisse, de la Belgique et des Pays-Bas notamment.

D’autres délégations auraient bien voulu faire le trajet. « On a reçu des expressions de solidarité du monde entier. Nos collègues du Venezuela nous disent qu’ils vibrent en voyant la mobilisation en France. » 

La Sud-Coréenne Hyewon Chong, représentante de la Korean Metal Workers Union, dans le cortège parisien, le 1er mai 2023. (RAPHAEL GODET / FRANCEINFO)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Hyewon Chong a pourtant déjà beaucoup à faire dans son propre pays. « Nous aussi, on a un souci en ce moment. Il y a un projet gouvernemental qui veut porter la durée légale de travail hebdomadaire à 69 heures. 69 heures ! On se mobilise contre cette mesure. Mais voilà, ce qui se passe en France, c’est incroyable. » Elle sort son portable de sa poche : « Vous savez qu’on parle de vous à la télé sud-coréenne ? »

« On a pris le peuple français à la gorge »

Trois rangs derrière, Makram Amairia assure lui aussi que « ce qui se passe ici, ça fait parler en Tunisie ». « Il n’y a pas d’image des manifestations sur les chaînes nationales, mais les gens regardent la télé française et ils voient ce qu’il se passe, relate le délégué de l’UGTT, qui a atterri dans la capitale française avec deux collègues. Le message que l’on veut passer à l’Etat français, c’est le suivant : ‘Nous sommes tous derrière les syndicats contre votre réforme des retraites, monsieur Macron.' » 

A quelques mètres, Benoît Teste, secrétaire général de la FSU, papote avec son homologue d’outre-Manche Kevin Courtney, habitué à ferrailler avec les gouvernements conservateurs successifs de Boris Johnson, Liz Truss et désormais Rishi Sunak. Le leader du National Education Union, le plus grand syndicat d’enseignants d’Angleterre et du pays de Galles, fait des grands gestes avec ses mains. « La France est un exemple de résistance. Vous ne lâchez jamais. Je dirais même que vous êtes une inspiration pour les combats qu’on mène chez nous. Il faut que ça nous serve pour la lutte qu’on mène actuellement au sujet des salaires des professeurs. »

Benoît Teste, secrétaire générale de la FSU, discute avec son homologue d’outre-Manche Kevin Courtney, leader du National Education Union. (RAPHAEL GODET / FRANCEINFO)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans un coin, la tête posée sur le manche de son drapeau, le syndicaliste suisse Roman Kuenzler échange son numéro de téléphone avec l’Américain David Huerta. Le Néerlandais Jan Willem Goudriaan, secrétaire général de la Fédération syndicale européenne des services publics, résume la politique française à sa façon. « L’article 49.3, comme vous l’appelez, c’est fou. On a pris le peuple français à la gorge pour lui faire manger la merde. » 

« Le combat que la France mène contre les retraites dépasse largement les frontières du pays. Il doit servir à tout le monde. »

Jan Willem Goudriaan, secrétaire général de la Fédération syndicale européenne des services publics

à franceinfo

La tête de cortège arrive au milieu du boulevard Voltaire, dans le 11e arrondissement. Les leaders de la CGT et de la CFDT, Sophie Binet et Laurent Berger, passent tout sourire. L’Ukrainien Vasyl Andreyev, qui a fait le déplacement depuis Kiev, les salue de loin, avant d’expliquer sa présence dans les rues de Paris. « Même si mon pays est en guerre, c’est important pour moi d’être là. Le combat pour améliorer la vie des travailleurs doit continuer malgré tout, malgré la guerre. »

A sa droite, veste noire à capuche sur le dos, un Biélorusse échange quelques paroles avec sa traductrice. Yuri Yarashuk, qui vit en exil à Berlin, a apporté à Paris une photo de son père Alexander, syndicaliste de profession, arrêté par les autorités de son pays et condamné à quatre ans et demi de prison. « A cause de la répression déployée à l’égard de toute la société civile, c’est impossible d’avoir une activité normale en Biélorussie, explique calmement le jeune homme. Même si la situation est différente en France, je veux soutenir les travailleurs français. Votre réforme des retraites, c’est important. » Avant de filer avec les autres membres de la délégation vers l’arrivée, il fait le vœu « de voir un jour ce genre de manifestation » dans son pays.

Le syndicaliste biélorusse Yuri Yarashuk dans le cortège de Paris, le 1er mai 2023. (RAPHAEL GODET / FRANCEINFO)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Turc Ozan Tokmakoglu enchaîne les photos et les vidéos du cortège, façon touriste. « Je les publierai ensuite sur les réseaux sociaux. Je suis persuadé que ça peut éveiller les consciences en Turquie pour mettre encore plus la pression sur le pouvoir turc, répète-t-il, sûr de lui. Vous savez qu’il y a des élections dans quelques jours [le 14 mai] chez nous. Cette initiative tombe assez bien. »

Avant de rejoindre l’aéroport de Roissy, Hyewon Chong a aussi pris soin de noter quelques slogans qu’elle a aperçus. « Ça peut servir », sourit-elle, en prévision de la « grosse manifestation » prévue fin mai en Corée du Sud contre les 69 heures hebdomadaires.

Le cortège est à peine arrivé sur la place de la Nation que Kevin Courtney, lui, est déjà assis dans l’Eurostar. Il est attendu à Londres ce mardi pour une « très grosse » journée de manifestation. Il a commencé à peaufiner sa prise de parole. « Comptez sur moi pour raconter mon expérience française. Je dirais au micro qu’il faut qu’on soit ‘plus français' ».

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