Daniel Roucous – Mardi 7 Novembre 2017
Une enquête du Défenseur des Droits révèle que la numérisation généralisée des services publics ne rend pas service à ceux qui en auraient le plus besoin. Ca peut même être un frein à l’accès à l’aide sociale.
L’été dernier, nous nous interrogions ici les-services-publics-en-ligne-est-ce-mieux-pour-les-usagers-?
En effet, la multiplication des services publics en ligne (téléphone, Internet) n’est plus un service rendu au public le plus vulnérable (malentendants, étrangers, personnes peu familiarisées avec Internet ou n’y ayant pas accès ou encore en difficulté sociale etc.). Sans oublier les demandeurs d’emploi à qui on demande de faire le boulot d’agent de Pôle emploi… en ligne!
Par ailleurs il s’avère que la numérisation des services publics cache, à l’image de Bloctel une délégation de ce service à des entreprises privées… confirmant que les délégations de services publics au privé se multiplient.
Sans oublier l’impact négatif sur l’emploi.
Nous avions à cet effet interrogé un ingénieur des travaux publics de l’Etat qui concluait que le-numerique-est-au-service-dune-politique-de-regression-du-service-public
Le rapport du Défenseur des droits
Il y a un an, le Défenseur des Droits a rendu publique une enquête téléchargeable Accueil téléphonique et dématérialisation des services publics qu’il a mené avec 60 millions de consommateurs auprès des Caf, de l’assurance maladie et de Pôle Emploi.
Cette enquête, toujours d’actualité, convient certes que « le numérique est incontournable et facilite la vie de millions d’usagers ». Mais constate que « cette avancée interroge le principe d’égalité d’accès aux services publics. Sont particulièrement concernés les publics moins ou pas du tout connectés soit 16% des Français qui n’ont pas Internet et 21% des Français qui ont Internet mais ne sont pas à l’aise pour l’utiliser. »
Par téléphone ou par Internet, « seuls un tiers des usagers a obtenu des informations sur les démarches à effectuer auprès de l’Assurance maladie, selon l’enquête. Les conseillers renvoyant la moitié des appels téléphoniques vers Internet ! »
Concernant Pôle Emploi qui, entre-parenthèses, oblige les demandeurs d’emploi à gérer leurs dossiers eux-mêmes par Internet et par téléphone indiqué ici, l’enquête du Défenseur des Droits a constaté que « 40% des conseillers de la plateforme téléphonique fournissent des réponses succinctes et 36% d’entre eux renvoient directement sur Internet par exemple lorsqu’il s’agit de faire les démarches pour toucher l’allocation chômage ! »
S’agissant de la Caf (caisse d’allocations familiales), l’enquête révèle que « les conditions d’obtention d’une allocation logement sont rarement précisées, les appelant étant le plus souvent renvoyés vers le simulateur en ligne. » Or simuler en ligne vos droits à une aide au logement ce n’est pas évident pour ceux qui ne sont pas à l’aise sur Internet, souvent ceux qui en ont le plus besoin. Mettez-vous à la place d’une personne en difficulté qui a besoin d’un(e) interlocuteur(rice) en face et essayez ici et vous verrez !
Conclusion du Défenseur des Droits : « Internet facilité l’accès au droit mais pas pour tous. La facture numérique éloigne encore davantage un public vulnérable de son accès à l’information. C’est pourquoi il faut offrir des modalités d’information variées et conserver des lieux d’accueil physique. »
Cette enquête a fait l’objet d’un rappel à l’ordre suite à la publication, le 30 mars 2017, du second volume du rapport de l’accès aux droits du Défenseur des Droits. Il confirme le lien entre non maîtrise ou absence du numérique (accès à Internet) et difficultés d’accès au service public.
A lire sur le sujet :
– aide-sociale-en-ligne-accès-limité-et-discutable
– services-publics-la-qualité-d’accueil-telephonique-en-question