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Entretien avec Axel Lamotte, secrétaire général adjoint du Syndicat national professionnel des maîtres nageurs sauveteurs (SNPMNS).
La Croix : Quelle est la première chose à faire pour protéger un enfant au bord d’une piscine ?
Axel Lamotte : Tout dépend de l’âge de l’enfant, mais lorsqu’il ne sait pas nager, la première chose à faire est de rester à ses côtés. L’adulte ne doit pas se tenir à plus de 10 cm de lui. C’est une énorme contrainte, mais il n’y a pas d’autre solution pour le protéger. Lorsqu’il sait nager mais n’est pas encore très à l’aise dans l’eau, il faut également le surveiller de près. Même un bain peut être dangereux. Tous les ans, des enfants se noient dans leur baignoire parce que l’adulte est allé répondre au téléphone ou ouvrir la porte. Dès qu’il y a de l’eau, un enfant ne doit jamais rester seul. Le nombre de noyades ne cesse d’augmenter depuis dix ans parce que les parents n’ont pas toujours conscience des risques.
Installer une clôture autour de la piscine ou poser une bâche dessus, est-ce une bonne idée ?
Axel Lamotte : Une clôture avec une porte à double fermeture, qu’il faut ouvrir avec les deux mains, pourquoi pas. Mais cela n’évite pas les accidents. Si le grand de 10 ans va dans la piscine et qu’il oublie de fermer la porte, le petit frère ou la petite sœur ne sont plus en sécurité. Quant à la bâche, elle n’est pas hermétique et peut s’enfoncer, surtout si elle n’est pas bien tendue.
Flotteurs, brassards et gilets sont-ils efficaces ?
Axel Lamotte : Les petits flotteurs doivent être utilisés en présence des parents et à un endroit où les enfants ont pied, comme indiqué dessus. Le gilet ne protège pas non plus à 100 % de la noyade. Si l’enfant tombe la tête la première dans l’eau, il « boit la tasse » ce qui peut provoquer un œdème retardé du poumon et entraîner la mort. C’est ce que l’on appelle la noyade sèche.
Trois frères et sœurs se sont récemment noyés dans un lac à Chalon-sur-Saône, quels sont les risques spécifiques dans les lacs et des rivières ?
Axel Lamotte : Dans un lac, il y a un risque de dénivelé important. On peut passer d’1 à 4 mètres de profondeur brutalement. Lorsque le lac est très profond, il y a en outre des remontées d’eau froide qui peuvent entraîner un choc thermique. Pour les rivières, le risque vient d’abord du comportement de l’enfant qui va vouloir ressortir tout de suite et se mettre à nager à contre-courant alors qu’il faut, au contraire, se laisser porter jusqu’à un endroit où l’on a pied. Le jeune, lui, va essayer de se raccrocher à la berge, mais celles-ci étant souvent creusées par en dessous, il retombe en arrière, la tête la première. La meilleure chose à faire est de crier le plus tôt possible, dès que l’enfant sent qu’il va tomber ou en tombant car une fois dans la rivière, il risque d’avoir de l’eau plein la bouche et ne plus pouvoir le faire.
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Au bord de la mer, les risques liés aux grosses vagues paraissent évidents, mais y a-t-il d’autres situations dangereuses ?
Axel Lamotte : Il faut éviter de laisser l’enfant jouer seul au bord de l’eau, même si les vagues ne sont pas très puissantes car un enfant en bas âge peut vite être submergé et entraîné par le ressac. Avant même cette précaution, il faut choisir la partie de la plage où la baignade est surveillée et ne pas hésiter à consulter les maîtres nageurs pour connaître les spécificités de l’endroit. Dans le Sud-Ouest, par exemple, les plages ont souvent des baïnes, sortes de piscines naturelles qui se vident à marée basse avec un fort courant. Dans le Nord, ce sont les bâches, des bancs de sable qui peuvent piéger les plagistes lorsque la marée monte.
Est-ce plus risqué de se baigner après le repas ?
Axel Lamotte : Si on entre dans l’eau à bonne température après un repas léger, il n’y a pas de problème. Si au contraire, on se baigne dans l’eau froide après un repas copieux et a fortiori, alcoolisé, il y a un risque de choc thermique car la température du corps monte pendant la digestion. Le risque d’hydrocution est le même après une exposition au soleil ou un effort physique. Il est donc important de se mouiller progressivement la nuque et le thorax avant de plonger. Je déconseille aussi ce que l’on appelle aujourd’hui le « snorkeling », la plongée avec tuba, en raison des risques de syncope, qui ne sont jamais prévisibles.
Que faire si son enfant a « bu la tasse » ?
Axel Lamotte : Il faut le sortir très vite de l’eau et lui demander de cracher et de tousser. À la plage ou à la piscine on peut faire appel aux maîtres nageurs, si besoin. Sinon, on le garde près de soi en observation pendant 48 heures pour contrôler le risque de noyade sèche.
Je recommande surtout d’apprendre à nager aux enfants avec des maîtres nageurs dès l’âge de 5 ans pour valider le test Sécu’nage qui leur apprend à « savoir se sauver » en cas de danger, à « savoir nager » et à « savoir sauver »
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