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Dispositifs autour du coronavirus concernant les travailleurs 4/03/2020
La progression du virus en France ainsi que les mesures sanitaires gouvernementales et patronales soulèvent de nombreuses questions pour les travailleurs. Tout d’abord, il est clair que le gouvernement utilise politiquement la question du coronavirus, en particulier pour faire avancer le projet de loi de réforme des retraites, délaissant largement l’enjeu de protection de la santé des salariés et des citoyens. Ensuite, sa réponse sanitaire est très insuffisante ; le Gouvernement semble en effet plus pressé de trouver des solutions pour garantir les intérêts du Patronat que ceux des travailleurs ou des citoyens. Et ses premières décisions démontrent une nouvelle fois son amateurisme et sa totale soumission au patronat : possibilité d’étalement des contributions patronales, recours à l’activité partielle, déclaration du « cas de force majeure » pour ne pas pénaliser les entreprises en cas retard de livraison, etc.
Face à un gouvernement qui méprise la santé et la vie des travailleurs et des citoyens, il revient aux travailleurs et à leurs syndicats de s’assurer que leur droit à la santé est bien garanti.
D’ores et déjà, lors de la réunion du 28 février au ministère du Travail, la CGT a demandé que l’éventuelle mise en place de mesures telles que télétravail ou activité partielle soient négociées en amont avec les représentants du personnel dans les entreprises.
Sans céder à un catastrophisme exagéré qui serait anxiogène et contre-productif il est indispensable d’informer les travailleurs des droits dont ils disposent. D’une entreprise à l’autre les situations sont très différentes. Lorsque l’employeur prend les mesures qui s’imposent il faut veiller à négocier au mieux les conséquences que peuvent avoir ces mesures sur les conditions de travail, la rémunération ou l’emploi. Lorsque ce n’est pas le cas et que la situation l’impose, les syndicats pourront passer à l’offensive, par exemple en organisant l’exercice de leur droit de retrait par les salariés. Il ne s’agit ni plus ni moins que de placer la santé des travailleurs au centre de nos préoccupations comme nous le faisons en toute autre circonstance.
Dans les revendications de mesures de protection des salariés, il convient de distinguer la situation des travailleurs selon qu’ils participent ou non à un service sanitaire, médical ou de première nécessité. Dans le cas où le travailleur ne participe pas à une telle activité, l’exposition au virus n’est pas admissible. En revanche, lorsqu’il participe à une telle activité, c’est plus la question des moyens de protection et d’accompagnement global du travailleur qui se posent.
Les principaux dispositifs auxquels les travailleurs peuvent être confrontés ou auxquels ils peuvent avoir recours sont exposés ci-après. Ils viennent pour l’essentiel d’une part des dispositifs prévus par le Code du travail et d’autre part du « Questions/Réponses » pour les entreprises et les salariés Covid-19 version du 28 février 2020 dans lequel les ministères de la Santé et du Travail détaillent la mise ne oeuvre de ces dispositifs 1.
Le virus et la réponse sanitaire
Le virus se transmet par les postillons (éternuements, toux). Un contact étroit avec une personne malade est nécessaire pour transmettre la maladie : même lieu de vie, contact direct à moins d’un mètre lors d’une toux, d’un éternuement ou une discussion en l’absence de mesures de protection. Aujourd’hui, le gouvernement annonce autour de 200 cas, personne ne sait comment la diffusion du virus va évoluer. Il est donc important de savoir ce que le syndicat peut faire face à l’employeur.
Le stade 1 de lutte contre l’épidémie prévoyait de freiner l’introduction du virus sur le territoire par exemple en plaçant en « quatorzaine » (durée d’incubation du virus) les personnes revenant de zones à risques.
Le stade 2, qui a été déclenché le 29 février, consiste à freiner la propagation du virus sur le territoire. Il s’agit de limiter la diffusion du virus par le brassage des populations par exemple par des mesures de « réduction sociale ». Le gouvernement a décidé d’adopter une politique de prévention plus stricte en matière de rassemblements : « tous les rassemblements de plus de 5000 personnes en milieu confiné seront annulés et les préfets recevront des indications pour annuler également, en lien avec les maires, les rassemblements, y compris en milieu ouverts, quand ils conduisent à des mélanges avec des personnes issues de zones où le virus circule possiblement ». À ce titre, par exemple, des événements en milieux ouverts ont déjà été annulés : le semi-marathon de Paris du 1er mars ainsi que le Carnaval d’Annecy du 6 au 8 mars.
Enfin, le stade 3 correspondrait à une circulation active du virus sur le territoire. Le gouvernement estime que « la vie du pays devra continuer et notre pays gérera l’épidémie. La France s’appuie sur un système de santé efficace ».
Le gouvernement interdit donc les grands rassemblements en milieu confiné, et au cas par cas, autorise les préfets à interdire les rassemblements en milieu ouvert, donc notamment les manifestations contre le projet de loi retraite. Mais dans une économie complètement ouverte avec des déplacements locaux, régionaux, nationaux et internationaux, comment croire que le déplacement quotidien de salariés présente moins de risque qu’un déplacement à une manifestation régionale, à un salon professionnel ou à un carnaval ?
Droit spécifique aux IJSS en cas de mesure d’isolement
Un décret 2020-73 du 31 janvier 2020 (JO du 1er février), prévoit des dérogations aux conditions d’octroi des indemnités journalières (IJSS) pour maladie pour les « personnes faisant l’objet d’une mesure d’isolement du fait d’avoir été en contact avec une personne malade du coronavirus ou d’avoir séjourné dans une zone concernée par un foyer épidémique de ce même virus ».
Travailleurs concernés
Les conditions dérogatoires prévues par le décret s’appliquent aux salariés dans l’impossibilité de travailler en raison d’une mise en « quatorzaine » : mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile. C’est l’Agence régionale de santé (ARS) qui est chargée d’identifier les assurés concernés. Le médecin de l’ARS leur délivre l’avis d’interruption de travail et se charge de le transmettre à la caisse d’assurance maladie ainsi qu’à l’employeur.
Conditions dérogatoires d’octroi des IJSS
Dans ce cadre, les IJSS maladie peuvent être versées à l’assuré même s’il ne remplit pas les conditions de durée minimale de cotisations ou d’activité requises habituellement. De plus, les IJSS maladie seront octroyées dès le premier jour d’arrêt. En effet, le délai de carence de 3 jours n’est pas applicable. Enfin, les assurés placés en isolement peuvent bénéficier du versement des IJSS maladie pendant 20 jours maximum.
Interdiction d’accès à l’entreprise (sans télétravail)
Lorsqu’un salarié présente un risque particulier de contagion, si l’employeur ne peut pas adapter son poste en vue de limiter les contacts et si le télétravail n’est pas compatible avec l’activité, l’employeur peut demander au salarié de rester à son domicile (Q/R 14).
Dans ce cas, s’il n’y a pas d’arrêt de travail en bonne et due forme, le contrat de travail n’est pas suspendu et le maintien de la rémunération par l’employeur s’impose.
Le salarié peut prendre contact avec l’ARS, afin qu’un médecin habilité lui établisse, le cas échéant, un arrêt de travail pour la durée d’isolement préconisée (voir paragraphe précédent). Le salarié bénéficiera alors des IJSS, ce qui diminuera la prise en charge financière de l’employeur. Attention, si le salarié ne bénéficie pas d’un maintien de salaire de l’employeur en complément des IJSS (se reporter à la convention collective ou à l’accord d’entreprise) il n’a pas intérêt à solliciter le bénéfice de ces IJSS.
Télétravail
Pour le gouvernement, le télétravail est la solution à privilégier lorsque cela est possible (Q/R 11 et 12). Il est ainsi conseillé à l’employeur d’organiser la mise en place du télétravail lorsque cela est possible, pendant les 14 jours suivant le retour d’un salarié d’une zone à risque ou ayant été en contact avec une personne infectée. Les entreprises dotées d’un accord collectif ou d’une charte sur le télétravail pourront s’appuyer dessus pour adapter leur organisation.
Le salarié doit en principe donner son accord. Mais il existe une exception prévue à l’art. L. 1211-11 du Code du travail qui permet de se passer de cet accord en cas de risque épidémique. En l’occurrence, le ministère estime que le risque d’épidémie lié au coronavirus est un motif légitime d’imposer le télétravail (Q/R 11 et 12). Donc, dans ce contexte le salarié ne peut pas refuser d’effectuer du télétravail.
En pratique, il ne sera pas toujours facile d’improviser le télétravail, en particulier contre le gré du salarié. Rappelons que l’employeur doit fournir le matériel nécessaire (ex. : ordinateur, connexion internet, etc.) et que le salarié doit disposer des conditions de concentration nécessaires à la réalisation de son travail, ce qui ne se décrète pas. Le télétravail ne devrait jamais être imposé au salarié.
Obligation de déplacement des congés payés
Selon la position du gouvernement, l’employeur peut déplacer des congés déjà posés par le salarié sur une autre période à venir pour couvrir la période de « quatorzaine », compte tenu des circonstances exceptionnelles prévues par l’article L. 3141-16 du Code du travail. Cette position est étonnante à partir du moment où un décret a justement été pris pour permettre aux salariés de bénéficier des indemnités Journalières en cas de « quatorzaine ». Le syndicat dans l’entreprise devra veiller à ce que le déplacement des congés payés soit utilisé en dernier recours, si aucune autre solution n’est possible. De même, si certains jours de RTT sont librement fixés par l’employeur dans l’entreprise, celui-ci peut modifier leur positionnement en cours de période, dans le respect du délai prévu par l’accord collectif (Q/R 13).
En revanche, si le salarié n’a pas posé de congés payés, l’employeur ne peut les imposer.
Activité partielle
Le dispositif d’activité partielle peut être sollicité par les entreprises dans le cadre de circonstances à caractère exceptionnel, tels que la fermeture d’un établissement, l’absence massive de salariés indispensables, la baisse d’activité liée à l’épidémie, la réduction de l’horaire habituellement pratiqué, etc. (c. trav. art. R. 5122-1). Tout en restant liés à leur employeur par un contrat de travail, les salariés bénéficient d’une allocation (Q/R 20).
Le salarié placé en position d’activité partielle, ne doit pas être sur leur lieu de travail ou à disposition de l’employeur. Il perçoit une indemnité compensatrice versée par l’employeur. Cette indemnité doit correspondre au minimum à 70 % de la rémunération antérieure brute et peut être augmentée par l’employeur. En cas de formation pendant l’activité partielle, cette indemnité est portée à 100 % de la rémunération nette antérieure. L’employeur perçoit une compensation financière de la part de l’État.
En fonction de la situation de l’entreprise, il est possible de négocier un maintien total de la rémunération. Ce n’est pas aux salariés d’assumer les risques liés à l’activité de l’entreprise.
Droit de retrait du salarié
Danger grave et imminent pour la santé du salarié
En cas de danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, le salarié est en droit de suspendre son activité après avoir avisé l’employeur de ce danger (art. L. 4131-1 du Code du travail). Il suffit que le salarié ait un motif raisonnable de craindre pour sa vie ou sa santé pour qu’il déclenche la procédure de retrait (Cass. soc. 23 avril 2003, n° 01-44806, BC V n° 136).
L’appréciation se fait au cas par cas. Le Questions/Réponses du gouvernement souligne que peut être considéré comme « grave » tout danger susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée et comme « imminent », tout danger susceptible de se réaliser brutalement dans un délai rapproché (Q/R 21).
L’employeur ne peut pas sanctionner le salarié qui exerce ce droit et ne peut pas cesser de lui verser sa rémunération (c. trav. art. L. 4131-3).
En cas de suspicion d’abus, le litige pourra être tranché a posteriori par le conseil de prud’hommes (qui sera le plus souvent saisi d’une demande de l’employeur ou du salarié relative au versement des salaires).
Mise en oeuvre dans le contexte actuel
Le risque d’exposition au coronavirus permet-il au salarié d’exercer son droit de retrait ?
Le gouvernement considère de son côté que les possibilités de recours à l’exercice du droit de retrait sont « fortement limitées » lorsque l’employeur prend les mesures de prévention et de protection recommandées par le gouvernement :
– si l’exercice du droit de retrait est manifestement abusif, l’employeur pourra effectuer une retenue sur salaire ; par ailleurs, il pourra, selon le contexte, licencier le salarié pour cause réelle et sérieuse (Q/R 21) ;
– dès lors qu’un employeur suit les recommandations du gouvernement, le salarié ne peut a priori pas invoquer le droit de retrait au motif qu’un de ses collègues revient d’une zone à risque ou a été en contact avec une personne contaminée, en l’état des connaissances épidémiologiques à ce jour (Q/R 8).
Si un voyage professionnel est prévu dans une des régions à risque, le salarié peut exercer son droit de retrait (Q/R 7). Un salarié estimant qu’il y a un danger grave et imminent pour sa santé pourrait, exercer son droit de retrait pour ne pas s’y rendre, en s’appuyant sur les informations officielles qui incitent à remettre à plus tard tout déplacement dans ces régions.
Plusieurs remarques s’imposent. D’abord, le fait que l’employeur ne mette pas en oeuvre les recommandations du gouvernement ou toute mesure adaptée est une circonstance favorisant la caractérisation d’un danger grave et imminent. Mais la réciproque n’est pas vraie. Ce n’est pas parce que l’employeur applique les recommandations du gouvernement que les salariés ne peuvent pas déclencher leur droit de retrait. Ensuite, le danger peut être caractérisé par une cause extérieure au salarié (ex. : locaux dangereux) ou être lié à son état de santé (ex. : allergie aux agents auxquels son poste l’expose ; Cass. Soc. 20 mars 1996, n° 93-40111, BC V n° 107). Ainsi, un salarié vulnérable au coronavirus (femmes enceinte, personnes âgées de plus de 60 ans, gros fumeurs, personnes asthmatiques ou connaissant des difficultés respiratoires) pourrait mettre en oeuvre son droit de retrait beaucoup plus facilement. Notons que le droit de retrait concerne la situation du salarié. Le fait qu’il vive avec une personne particulièrement vulnérable au coronavirus ne permet pas d’invoquer le droit de retrait. Enfin, la position des ministères du Travail et de la Santé dans leur « Question/Réponses selon lesquels les possibilités de recours à l’exercice du droit de retrait sont « fortement limitées » lorsque l’employeur prend les mesures de prévention n’engagent qu’eux même. Le droit de retrait est un droit garanti par un article de loi et sous le contrôle des conseils de prud’hommes.
Les syndicats à l’offensive :
Le droit de retrait s’exerce individuellement par le salarié. Cependant, rien n’empêche qu’un syndicat organise le déclenchement du droit de retrait en ciblant les postes de travail exposés à un danger grave et imminent ou encore en ciblant les salariés particulièrement vulnérables.
Conscients des risques auxquels ils étaient exposés, et malgré le déni de leur direction et de leur ministère de tutelle, les salariés du musée du Louvre, en lien avec la CGT Culture, exercent leur droit d’alerte et de retrait depuis dimanche 1er mars.
Les représentants du personnel au CSE peuvent exercer un droit d’alerte en cas de danger grave et imminent. L’employeur est alors tenu de procéder à une enquête avec le représentant du personnel qui a lancé l’alerte et de prendre toute mesure qui s’impose. Avant que les salariés n’exercent leur droit de retrait chacun individuellement, il peut être utile que des membres du CSE lancent une alerte auprès de l’employeur. Cela rend le droit de retrait plus collectif. Cela peut permettre également de contraindre l’employeur à réfléchir à des solutions pour éviter les situations à risque.
Rôle des représentants du personnel
Les représentants du personnel et syndicaux peuvent exiger des employeurs qu’ils diffusent les informations sur les règles d’hygiène et de sécurité, qu’ils mettent à disposition du matériel de prévention et qu’ils procèdent au nettoyage des locaux lorsque cela est nécessaire.
Rappelons que l’employeur est tenu à une obligation de sécurité à l’égard des salariés. Il doit prendre les mesures nécessaires pour protéger leur santé. Il doit notamment les informer lorsque des risques se présentent et mettre en place les moyens adaptés pour les protéger au mieux (art. L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail).
Les représentants du personnel et syndicaux peuvent aussi revendiquer que les mesures prises par l’employeur soient négociées. Quand les mesures envisagées nécessitent une consultation du CSE ils doivent exiger d’être consulté dans les formes. Ils doivent également veiller à la bonne application des accords existants (ex. : accord de modulation du temps de travail, accord RTT, accord sur le télétravail)
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Note aux organisations
Montreuil, le 4 mars 2020
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