publié le 5 mai 2020 à 7h33
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Radioscopie du travail sous épidémie : les risques psychosociaux en forte hausse, selon une enquête de la CGT
Plus de 30 000 réponses en quelques jours. La branche ingénieurs, cadres et techniciens de la CGT publie aujourd’hui les résultats d’une vaste étude statistique menée en plein coeur du confinement. Objectif : mesurer l’ampleur du séisme vécu par les salariés depuis le 16 mars.
Quelle est l’ampleur du bouleversement provoqué par l’épidémie de Covid-19 et le confinement sur les conditions de travail ? 34 000 salariés, tous secteurs et tous statuts confondus, ont accepté de répondre à un questionnaire en ligne élaboré par la CGT, entre le 8 et le 24 avril. Parmi eux, des travailleurs mobilisés sur sites, d’autres en télétravail, d’autres encore en chômage partiel. On notera que 60% des répondants déclarent ne pas être syndiqués.
Plus d’un salarié sur 2 au chômage partiel a perdu des revenus
Ces témoignages dessinent un panorama global très contrasté et surtout constellé de points d’alerte. Sur la question salariale d’abord : le chômage partiel n’a pas été neutre, explique Marie-José Kotlicki, co-secrétaire de Ugict-CGT : « On imagine parfois que pour les salariés en chômage partiel, la vie est belle. Mais 56% d’entre eux ont perdu des revenus. Plus surprenant : ils sont 31% à affirmer être sollicités par leur employeur pour effectuer des tâches alors même qu’ils sont en chômage partiel. C’est énorme ! » Un cadre sur 2 affirme par ailleurs avoir perdu des jours de congés depuis le début de la crise.
Parmi ceux qui n’ont pas pu télétravailler, mobilisés sur le terrain ou dans les bureaux, 93% soulignent ne pas avoir d’autres alternatives que les transports en commun, 66% disent avoir été amenés à manipuler des objets potentiellement contaminés et 39% déclarent manquer de protection suffisantes.
Encadrement en souffrance, soumis à des pressions et des injonctions contradictoires
Mais à la peur et au sentiment d’insécurité de ces travailleurs « en présentiel », s’ajoutent les difficultés et tiraillements parfois lourds à porter des personnels encadrants, chefs d’équipe et managers. L’enquête y consacre une place importante. « Il y a un vrai malaise des encadrants très critiques vis à vis des directives de la hiérarchie« , note Marie-José Kotlicki. Des encadrants parfois soumis à des pressions, eux aussi sujets à d’importants risques psycho-sociaux.
Un tiers d’entre eux estime que les activités effectuées hors télétravail au début du confinement n’étaient pas essentielles. 62% pensent qu’il a manqué à leurs collègues des gants et des masques en nombre suffisant pour effectuer leurs missions. 10% font état de pressions et consignes venant percuter les principes de précaution sanitaire.
Doubles journées pour les télétravailleuses
Quant au télétravail, il apparaît bien souvent comme synonyme d’un alourdissement de la charge de travail, une « double peine » même, pour les femmes avec enfants, constate la CGT. Parmi les télétravailleuses, beaucoup affirment s’occuper plus régulièrement de l’école à la maison et travailler régulièrement entre 21 heures et 1 heure du matin lorsque les enfants dorment. Pour 20% d’entre elles, la situation se traduit par des tensions dans le couple, note l’enquête.
« Nous avons eu des témoignages de scènes ahurissantes« , précise Sophie Binet membre de la direction confédérale de la CGT : « une femme racontant notamment qu’une de ses collègues avait explosé en sanglots lors d’une réunion en visio-conférence car son enfant, dans la pièce d’à côté pleurait non-stop depuis une demie-heure et qu’elle ne pouvait pas aller le consoler« .
Parmi les secteurs où la transition vers le télétravail s’est faite de manière chaotique et « maltraitante » : les banques et assurances, constate Marie-José Kotlicki. « Non seulement les salariés n’avaient pas le matériel adapté, ce qui est étonnant pour ces secteurs, mais nombreux sont ceux qui décrivent une forme de harcèlement et de surveillance continue« , détaille la co-secrétaire de l’Ugict-CGT.
À noter que deux tiers des télétravailleurs ne télétravaillaient pas régulièrement auparavant. 78% d’entre eux disent ne pas avoir bénéficié d’un droit à la déconnection. Un tiers ressentent une anxiété inhabituelle et 44% des douleurs physiques, type mal de dos.
Droit d’alerte pour les personnels encadrants ?
D’où la nécessité, indique la CGT d’évaluations rapides et à tous les niveaux des risques psycho-sociaux engendrés par le confinement. Parmi les propositions du syndicat : la mise en place de négociations systématiques avec les organisations syndicales sur les conditions de reprise de l’activité, des accords d’entreprise sur le télétravail, mais aussi la mise en place d’un droit d’alerte suspensif pour les encadrants, une plus grande indépendance et une meilleure protection des médecins et des inspecteurs du travail.